Le crieur public
Jusqu’à une période récente, pour la grande majorité de la population, il n’était d’information qu’orale.
Il y avait plusieurs corporations de crieurs publics chargés d’aller par la ville faire les annonces d’ordonnances royales, de sentences de police, de nouvelles, de décès, d’enfants et animaux perdus, enfin de ventes de denrées, sauf celles de foin et de bois.
De toutes ces corporations de jurés-crieurs, les plus importantes étaient celles des crieurs des morts ou crieurs d’enterrements qui annonçaient le nom des derniers décédés et les horaires de leurs funérailles, et celle des crieurs de vin qui annonçaient le prix très réglementé de cette boisson.
Dès 1341, il est fait mention d’un crieur public dans la ville de Romans-sur-Isère. Le 16 décembre de cette année-là, Pierre Pleutonis atteste avec serment “avoir, le 20 novembre précédent, de la part des officiers de la cour de Romans, diocèse de Vienne, au nom de l’archevêque-abbé et de l’église de Saint-Barnard, publié à haute voix, sur la place et dans huit ou dix carrefours, que personne n’ose offenser un sujet delphinal, s’emparer de ses biens, arrêter et détenir sa personne, ni sortir en armes de la ville sans permission ; sous les peines de droit et les statuts de la ville.”
Puis, le 9 juillet 1366, Pierre de Verna, crieur public, convoqua les habitants à son de trompe, à la manière accoutumée, dans la salle du réfectoire et dans l’église des Frères Mineurs (couvent des Cordeliers) afin qu’il soit procédé à la nomination des consuls. Cette proclamation a eu lieu en sept quartiers différents : à la Grande-Place (actuelle place Maurice Faure), à la Pavigne, in Paganià, au carrefour des Argods, in trivio Argodorum, à la Boucherie, in Macello (actuelles place et côte Macel), à Pailherey, in Carreria Pallieraci (actuel quartier Saint-Nicolas), à la place de Chapelier, in platea de Chapelesio (actuelle côte des Chapeliers), et à la Saunerie, in Sauneria (actuelle rue Mathieu de la Drôme).
Le chapitre de Saint-Barnard comptait le ban-vin au nombre de ses privilèges. Il consistait à vendre exclusivement, excepté aux fêtes de Noël et aux jours de foire, le vin provenant de ses dîmes. Les habitants qui débitaient le leur pendant la durée du ban étaient punis par le chapitre qui pouvait, de sa propre autorité, confisquer le vin et les tonneaux (bossa), la moitié pour l’amour de Dieu et l’autre moitié en faveur du chapitre. Un crieur public faisait tous les ans une proclamation appelée par le peuple Sarre Taverne. Voici celle qui fut faite, en langue vulgaire (au sens étymologique de “populaire”), le 24 avril 1390 : “L’Enchera ; Monseignou San-Bernard fait assaver, de par la cort, à touta manera de gens de quelque condition que sïa, que no sian si hardy de vendre durant lou vin dal Ban de Liglesa San-Bernard, et sous la penne de cent sols apliqua à la cort, et de perdre lou vin et la bossa en que sara ; del qual vin et de la bossa ly meyta sy donesa per l’amour de Deu, et ly autra meyta se apliqua San-Bernard.”
La charge de crieur public était octroyée par le roi après lecture d’un rapport et de témoignages attestant des bonnes vie et moeurs du postulant.
Le 26 juillet 1666, le roi Louis XIV octroie la charge de juré-crieur et trompette de Romans-sur-Isère à François de Bons : “Louis, par la grâce de Dieu, prince de Monaco, duc de Valentinois et pair de France, faisons savoir que pour le bon et louable rapport qui nous a été fait de la personne de François de Bons, de ses loyauté, prud’homie et expérience, de ses bonnes vie et moeurs et de sa religion catholique apostolique romaine, donnons et octroyons par cette présente les états et offices de crieur public et trompette juré de la ville de Romans, vaquant à présent par la résignation qui en a été faite par François de la Court, de la dite ville et dernier possesseur de ces états et offices.”
Les trompettes étaient les officiers jurés qui accompagnaient le juré-crieur ordinaire du roi et de la ville. Mais il était fréquent qu’une même personne fasse office de crieur et trompette.
Suite au décès de François de Bons, le roi Louis XIV octroie cette même charge à Anthoine de Bons, le 24 janvier 1680.
Puis, le 17 juin 1692, le procureur du roi adresse une lettre au juge royal de la ville de Romans-sur-Isère pour octroyer au sieur Toussaint Garon, marchand de cette ville, les charges de juré-crieur et trompette et de juré-crieur pour les enterrements.
Messire Laurans de Maison Blanche, prêtre et recteur de l’hôpital Sainte-Foy, âgé d’environ cinquante cinq ans, maître Antoine Guillaud, notaire royal, âgé d’environ cinquante sept ans, et le sieur Charles Rochas, marchand, âgé d’environ quarante ans, tous de la dite ville, ont apporté leurs témoignages pour l’enquête de bonnes vie et moeurs de Toussaint Garon. Tous affirment “connaître depuis de longues années ledit Garon qui a toujours vécu en homme de bien et d’honneur faisant profession de la religion catholique apostolique romaine.”
Lorsque le besoin de crieurs publics a cessé vers la fin du XIXè siècle, cette activité est passée dans le folklore local.
Sources : Archives municipales de Romans-sur-Isère ; Série BB – Administration communale – BB 60 – Crieur public – 1680 ; Série GG – Cultes, Instruction publique, Assistance publique – GG 40 – Diverses liasses et pièces – 1531-1773 ; Regeste Dauphinois, Tome V, Fasc XIII-XV, 1330-1342 – Chevalier, Ulysse – 1921 ; Mémoires sur la ville de Romans – Jean-Baptiste Dochier – 1812 ; Essai Historique sur l’Abbaye de Saint Barnard, I – Paul Emile Giraud – 1856