Tranches de vie à Saint-Barnard : des chanoines mis aux fers dans le cloître
Au Moyen Âge, nous trouvons plusieurs exemples de prêtres de Saint-Barnard mis aux arrêts dans la prison du cloître, certains avec les fers aux pieds.
Après l’incendie du 9 mai 1049, Léger, archevêque de Vienne et abbé de Saint-Barnard, ordonna de reconstruire les bâtiments ruinés plus deux cloîtres, l’un joignant l’église (à l’emplacement actuel de la petite place au-dessus du parvis) et l’autre, vers les maisons qui étaient près de l’ancien vivier à poissons (à l’emplacement actuel de l’entrée de la rue Pêcherie). Le premier étant constitué d’une galerie (voir gravure ci-dessus), il semblerait que la prison se trouvait dans le second dont nous n’avons pas malheureusement ni description ni illustration.
En février 1442, dans la chapelle de Saint-Barnard-le-Vieux (actuelle grande sacristie), Pierre Brunet, prêtre de l’église, est condamné aux arrêts dans la prison de l’église jusqu’à ce qu’on lui ai fait son procès et il est défendu à tous les membres de l’église de lui parler tant qu’il y restera. Voici tout le sujet de la punition. Les chanoines assemblés, deux jours auparavant, dans la nef de l’église, à l’heure de none, s’aperçurent que le choeur était désert et demandèrent à Pierre Brunet pourquoi il n’y entrait pas. En réponse, il demanda avec mépris pourquoi ils n’y entraient pas eux-mêmes.
En mai 1443, dans la chapelle de Saint-Barnard-le-Vieux (actuelle grande sacristie), Guigues Gente, prêtre de l’église, présente des lettres apostoliques obtenues de l’auditeur de la cour de Rome par lesquelles il est dit qu’on a agi contre lui avec malice et qu’on l’a diffamé injustement. On demande au dit Gente si les officiers de la cour du chapitre ont procédé ainsi. Il répond que oui et requiert acte. A l’heure des vêpres, dans la salle basse de la maison archiépiscopale, Jean d’Eschalon, grand courrier, étant absent, on nomme à sa place Antoine Dupin. D’après des informations, il lui est donné pouvoir, ainsi qu’à Antoine Roland, procureur fiscal de la cour du chapitre, de faire traduire Guigues Gente en prison. Le lendemain, on donne à Hugues Rocrii, serviteur de la cour du chapitre, la clé des prisons et on lui livre Guigues Gente pour l’enfermer, ce dont il répond au péril de ses biens et de sa vie. Quatre jours plus tard, on donne l’ordre à Hugues Rocrii, garde des clés des prisons, d’ôter les fers des pieds de Guigues Gente mais de le garder prisonnier comme il lui est enjoint.
En octobre 1443, on donne pouvoir à messieurs Marmeys et Barret de constituer aux arrêts, dans le cloître, ceux des esclaffards (nom donné aux clercs et aux enfants de choeur de l’église de Saint-Barnard) qui manqueront à faire leurs chanteries dans les messes des morts jusqu’à ce qu’ils aient payé un gros (ancienne unité monétaire d’argent) qui sera livré à celui qui aura fait les dites chanteries.
En octobre 1464, Jean Falavel, prêtre de l’église, ayant été détenu dans les prisons du chapitre, on renvoie de le punir pour lui donner le temps de se justifier des crimes qu’on lui imputait.
En juillet 1465, on délibère qu’il est défendu aux prêtres serviteurs de la chapelle de Saint-Maurice (partie orientale de l’actuelle chapelle du Saint-Sacrement) de s’injurier les uns les autres sous peine de tenir l’arrêt dans le cloître.
Nous trouvons aussi un exemple de laïque emprisonné dans le cloître de Saint Barnard :
En décembre 1461, dans le cloître de l’église, en descendant du réfectoire, les courriers et autres officiers sont chargés de traduire Pierre Gay, notaire de Romans, dans les prisons du chapitre pour avoir saisi le prêtre Jacques Nicolay dans l’église sans permission de son juge.
Enfin, deux exemples de clercs enfermés dans les prisons de la ville de Romans et réclamés par le chapitre alors qu’il n’avait aucune autorité pour le faire :
En octobre 1461, le chapitre réclame Antoine Veilheu, clerc, que le gouverneur du Dauphiné avait fait enfermer dans le fort de Mont-Ségur (au pied de la tour Jacquemart), quoiqu’ils n’ont aucune juridiction sur lui. Le gouverneur répond que le dit Veilheu a été mis en prison pour des crimes commis contre la Majesté du roi de France.
En octobre 1505, le chapitre ayant appris qu’un certain Jean de Barra, prêtre, serviteur subrogé des co-curés, avait été pris, durant la nuit, dans son lit, par André Fabri, courrier de Romans, et conduit aux prisons de Jacquemart contre les libertés et privilèges de l’église, délibère de le réclamer auprès du juge et autres officiers temporels pour qu’ils aient à le remettre au juge du chapitre.
Sources : Archives municipales de Romans-sur-Isère – Délibérations du chapitre de Saint-Barnard, 1439-1766.