Le destin tragique de Lally-Tollendal
Les objets que nous présentons cette semaine sont deux gravures représentant le romanais Lally-Tollendal en prison par Dominique-Vivant Denon, célèbre graveur et premier directeur du Musée du Louvre, et le même au moment de sa décapitation, place de Grève à Paris.
Après un mauvais mariage avec Philippe du Vivier, conseiller du roi, maître ordinaire en la chambre des comptes et cour des finances de la province du Dauphiné, qui se conclut par la mort prématurée de ce dernier, Anne-Marie de Bressac quitte Grenoble et part s’installer à Romans où elle possède deux maisons : l’une située en ville, rue Pêcherie, et l’autre sur les bords de la Savasse, à une demi-lieue de Romans.
En moins d’un an, elle s’est assuré le monopole du moulinage de la soie dans la vallée de l’Isère. Elle chevauche la fortune, dit-on à Romans, faute d’être chevauchée par un homme.
Puis, un jour, des coups sont frappés à la porte de la cour. C’est un soldat du régiment irlandais de Dillon porteur d’un pli de réquisition de logement en faveur du lieutenant colonel Gerard O’Mullally dit Gerard Lally. Le lendemain, elle se trouve face à lui, est immédiatement fascinée par sa stature et son charisme, et il ne se passe pas longtemps avant qu’ils ne soient amants.
Une naissance romanesque
Anne-Marie de Bressac est enceinte et l’honneur enquiert Gerard Lally de réparer en l’épousant.
C’est donc le mariage. Discret, vu les circonstances : la fiancée entame son quatrième mois de grossesse. Et Gerard Lally demande aux chanoines de Saint-Barnard de tricher un peu sur les dates :”En me mariant, je fais la moitié du chemin. Il vous appartient de faire l’autre moitié en le datant convenablement. D’avril 1701. N’importe quel jour fera l’affaire.”
C’est ainsi que dans le registre paroissial de l’église Saint-Barnard, le mariage est à la date du 18 avril 1701, et la naissance de l’enfant Thomas Arthur est à celle du 13 janvier 1702.
Une fin tragique
En 1755, Thomas Arthur de Lally-Tollendal est nommé commissaire du roi et commandant général de tous les établissements français aux Indes orientales, et désigné pour commander la Marine royale. Sa flotte quitte la France le 2 mai 1757 et arrive en vue de Pondichéry près d’un an plus tard, le 29 avril 1758. Cette expédition est un échec et Lally-Tollendal capitule le 14 janvier 1761 après s’être défendu avec 1 200 hommes mal traités, mal payés et mal nourris contre 15 000 anglais et indiens.
Bouc émissaire de la défaite contre les Anglais, il est enfermé à la Bastille sans avoir le droit de se choisir un avocat.
Le 3 mai 1766, il est condamné à la décapitation et six jours après, il est conduit en place de Grève. Agenouillé, tête droite, il reçoit un premier coup du bourreau Charles-Henri Sanson sur la nuque, qui le renverse en avant. Il faut plusieurs coups de sabre pour lui détacher la tête. Cette exécution entraîne une grande indignation et Voltaire lui-même se mobilisera pour obtenir sa réhabilitation.
Une place porte son nom à Romans, à l’angle de la côte des Cordeliers et de la rue Mathieu de la Drôme.
Si vous possédez des documents ou des objets relatifs à l’histoire de Romans, et si vous souhaitez que nous les présentions à nos lecteurs, n’hésitez pas à nous contacter à l’adresse jyvesbaxter@gmail.com
- Gravure de Lally-Tollendal en prison. Collection privée Jean-Yves Baxter.