La porte de Clérieux vers 1820
En plein cœur de l’été, un antiquaire allemand a mis en vente une collection de plusieurs dizaines de dessins originaux du début du XIXe siècle représentant des vues de villes de France. Parmi ceux-ci, des dessins concernant la ville de Romans jamais vus jusqu’à présent dans notre cité. Cette série de quatre épisodes vous propose de les découvrir.
À Romans, nous connaissons déjà les dessins d’Alphonse Nugues et de Diodore Rahoult, dans la première moitié du XIXe siècle. Ceux vendus au mois d’août ne sont malheureusement pas signés mais ils proposent d’autres vues. Les constructions et immeubles représentés permettent de les dater du début des années 1820 au plus tard sans se tromper.
Ce dessin a été effectué depuis l’extérieur des murs de la ville en regardant la porte de Clérieux. Pendant plusieurs siècles, ce qu’on appelait alors le faubourg Clérieux ne comprenait que quelques usines, principalement des moulins, établies sur le canal de la Martinette et qui appartenaient au chapitre de chanoines de Saint-Barnard. La route de Tain a été élargie en 1835 mais, en 1750, on ne comptait dans cette rue que vingt-et-une maisons dont cinq étaient des cabarets.
Sur le dessin, nous voyons une partie des remparts de la ville, la porte de Clérieux (la tour carrée), et le haut de la tour Jacquemart en arrière plan. Jusqu’au milieu du XIXe siècle, en prenant des repères actuels, les remparts de la ville de Romans partaient environ du pont Neuf, remontaient jusqu’au lycée Triboulet, longeaient la place Jean Jaurès et le cours Pierre Didier, et redescendaient en passant la Cité de la Musique. L’Isère faisait rempart naturel au sud de la ville. Ils étaient percés de sept portes fortifiées dont certaines avaient un aspect monumental : c’était les portes de Saint-Nicolas, de Bistour, de Jacquemart, de Bonnevaux, de Clérieux et de Chapelier, plus une ouverture dite “la Brèche” pour le passage de la Savasse. Les pont-levis de ces portes s’abattaient sur des fossés de 25 à 30 pieds (de 8 à 9,75 mètres).
Ce nom nous fait aussi penser à l’hôtel de Clérieu, sur la place aux Herbes, derrière l’église Saint-Barnard, et cela nous transporte aux débuts de l’histoire de la ville de Romans. Au Xe siècle, alors que la ville est encore naissante, les seigneurs de la famille de Clérieu imposent leur protection aux moines de Saint-Barnard et construisent une maison forte surmontée d’un donjon toujours visible. Le bâtiment devient ensuite la propriété de la famille de Poitiers de la branche des comtes de Valentinois qui le vendent, au milieu du XIVe siècle, à des monnayeurs romanais, les Forest dit Coppe. Pour protéger leur atelier, ils font construire une porte fortifiée de meurtrières et de mâchicoulis encore visibles aujourd’hui. Les initiales “M C”, que l’on peut voir au-dessus de la porte et sur une autre porte en face du bâtiment, sont celles de Marius Charvin qui a acquis la demeure en 1875. Aujourd’hui, grâce à l’obligeance de son propriétaire actuel, Paul Laffont, l’hôtel de Clérieu accueille de nombreuses expositions.
Cet article est aussi paru dans le Dauphiné Libére : https://www.ledauphine.com/culture-loisirs/2024/09/14/la-porte-de-clerieux-vers-1820