Ces illustres inconnus (2)
Quelques personnalités romanaises sont restées dans les mémoires et les noms de rue. Mais bien d’autres, tout aussi respectables et célèbres en leur temps, sont tombées dans l’oubli. Deuxième volet de cette série commencée il y a quelques mois.
Humbert de Romans, un des plus illustres chefs de l’ordre de Saint Dominique, naquit à Romans-sur-Isère vers 1194, d’une famille assez riche pour l’avoir envoyé faire ses études à Paris. Or, à Paris, il rencontra le dominicain Hugues de Saint-Chef, autre dauphinois, qui, après lui avoir enseigné la théologie et le droit canon, le fit entrer dans un couvent de son ordre, celui de la rue Saint-Honoré, en 1224. Il professa l’histoire sainte dans différentes maisons de Dominicains, notammentà Lyon, où l’on croit qu’il remplit aussi les fonctions de prieur. Partout, il se fit une si grande réputation de science et de sainteté que, la charge de provincial de France étant devenue vacante, en 1244, par le fait de l’élévation d’Hugues de Saint-Chef au cardinalat, il fut appelé à lui succéder, et que, dix ans plus tard, en 1255, le chapitre général de l’ordre assemblé à Bude ayant à remplacer Jean le Teutonique comme supérieur général, fît choix de sa personne. Il avait été le parrain de Robert, fils du roi saint Louis, et avait refusé le patriarcat de Jérusalem que lui avait offert le pape Urbain IV. Il mourut à Valence le 14 juillet 1277.
Gabriel Edouard de Gonet, éditeur parisien, qui dut à certaines de ses publications une célébrité relative, naquit à Romans-sur-Isère le 27 janvier 1818, de Jean-Baptiste François, ancien garde du corps du roi, chevalier de l’Ordre Royal et militaire de Saint-Louis. Elève de l’institution Poiloup à Paris, il devint ensuite ami avec Alexandre Houssiaux, futur éditeur de Balzac, qui lui fit avoir l’emploi de commis d’ordre de “L’Encyclopédie nouvelle” de Pierre Leroux, chez le libraire Charles Gosselin. Enfin, ayant acheté un fonds de bouquiniste, il se fit éditeur et, comme il avait contracté une véritable passion pour les chansons, il publia en 1846 “Chansons rêvées ou vécues”, fruit de ses relations avec la plupart des chansonniers de son temps. Mais sa publication la plus importante est le “Tableau de la littérature frivole en France, depuis le XIè siècle jusqu’à nos jours, ou musée des chansons et des poésies légères”, ouvrage dont il peut être considéré comme l’auteur en ce sens qu’il en rassembla les matériaux et les annota. Lorsqu’il décéda à Paris, le 3 juin 1892, un journal dit, en annonçant sa mort : “C’était un excellent homme que la librairie n’avait pas enrichi.”
Denise Mahé, fille d’Antoine, notaire et secrétaire de la ville de Romans-sur-Isère, née dans cette ville le 16 février 1533, mérite d’être citée à cause de “l’amour pur, spirituel et platonique” qu’elle inspira à Guillaume des Autels, un ami de Ronsard, qui, l’ayant connue pendant qu’il étudiait le droit à l’université de Valence, l’a célébrée dans une centaine de sonnets, dont le dernier est un “Adieu à sa sainte et à ses amis de Romans” et dont le recueil forme un petit in-12 de 88 feuillets non chiffrés, ayant pour titre “Amoureux repos de Guillaume des Autels”. Ce volume, dont la rareté constitue le plus grand mérite, a en tête un double frontispice ou diptyque contenant le portrait de l’auteur et celui de sa “sainte”, et faisant connaître les noms et l’âge de chacun d’eux. Le souvenir de Denise Mahé, dont nous ignorons la fin, n’empêcha pas Guillaume des Autels d’épouser une autre femme, Jeanne de la Bruyère. Les platoniques amours de Denise et Guillaume ont fourni à Adèle Souchier, poétesse romanaise, le sujet du recueil “Denise de Romans et Guillaume des Autels”, en 1875.
Joseph Victor Génie Rollet dit Bellisle, chansonnier patois en grande réputation à Romans-sur-Isère et dans la contrée environnante, mais dont les joyeux refrains n’ont malheureusement pas été recueillis, naquit dans cette ville, le 23 pluviôse an II (11 février 1794), de Victor Rollet et Henriette Tabarin. Cordonnier de son état, il épousa, le 5 janvier 1828, Madeleine Virginie Collet d’Anglefort, arrière-petite-fille de Jean-Louis Collet, sieur de la Chasserie, premier consul de Romans et substitut du procureur du roi en 1679. Bellisle mourra en laissant pour tout héritage des chansons qui se chantaient encore au milieu du XIXè siècle et dont voici un échantillon :
Si j’étiou prophèto,
Changeariou l’Isèro en piquetto,
La Savasso en de bon vin,
Et lo Riosset en aigardin.
…
Lu vin è salutaire,
Versai n’en donc,
A baire ! A baire !
Puisqu’olé bon !
Nous poursuivrons l’étude de ces illustres inconnus romanais et nous reviendrons plus longuement sur la vie de certains d’entre eux…
Sources : Archives municipales de Romans-sur-Isère ; Dictionnaire biographique de la Drôme, Justin Brun-Durand, 1836