Une vue inédite sur la Presle d’hier
Depuis 100 ans, le quartier de la Presle a subi de profondes transformations. Plusieurs îlots insalubres ont été démolis, des quartiers entiers ont disparu.
Récemment, en triant plus de deux cent cinquante photographies prises par son grand-oncle entre 1902 et 1905, principalement dans la région de Chambéry, Thierry Boillot a découvert trois vues d’ensemble de la ville de Romans et une vue montrant la rue Château-Gaillard (prolongé par l’escalier Château-Gaillard) et la rue des Chauchères, dans le quartier de la Presle. Ces deux rues, aujourd’hui disparues, sont bien connues et visibles sur d’autres photographies mais celle-ci nous les montre sous un angle et avec un recul différents.
Ce grand-oncle, François Cathiard (1878-1956), prenait des vues stéréoscopiques (6cm x 6cm) destinées à reproduire une perception du relief à partir de deux images planes en les regardant dans une visionneuse appelée stéréoscope. C’était un photographe amateur et les vues sont de qualité inégale, sous-exposées ou sur-exposées, et elles sont malheureusement abîmées par le temps. Néanmoins, ces photographies sont un témoignage inédit du début du XXè siècle. La majorité des photographies de François Cathiard ont été prises dans la région de Chambéry et on ignore pourquoi il est venu à Romans et surtout, pourquoi il a immortalisé ces deux rues en particulier mais il ne semble pas innocent qu’il ait prit le recul nécessaire pour que la plaque indiquant “Rue Château-Gaillard” soit visible. Peut-être avait-il de la famille dans le quartier.
A l’origine, le quartier de la Presle était un vallon traversé par le torrent de la Savasse et sillonné par plusieurs cours d’eau. Dès le Moyen Âge, cette abondance de cours d’eau a donné une grande prospérité à ce quartier en y permettant l’exercice d’industries qui nécessitaient une force motrice : tanneries, mégisseries, teintureries, moulins, foulons, etc.
L’escalier Château-Gaillard et la rue des Chauchères ont souvent été l’objet de plaintes de la part des riverains. En 1882, ils alertaient le Maire de Romans sur le fait que l’escalier était un passage très fréquenté aux heures d’entrée et de sortie des ateliers, et qu’il se trouvait dans un état de détérioration si grand qu’il était difficilement praticable et même dangereux en hiver pour les ouvriers qui y circulaient avec des fardeaux. Ils signalaient en même temps que la portion de la rue des Chauchères se trouvant en bas de l’escalier était aussi en très mauvais état, que le passage était très resserré et que les voitures pesamment chargées ne pouvaient le traverser sans courir le risque de tomber dans le ruisseau, ce qui était déjà arrivé. En 1896, moins de dix ans avant la prise de cette photographie, les habitants du quartier de la Presle informaient la municipalité que, par suite de la démolition de l’immeuble d’Ulysse Roux, l’accès à l’escalier Château-Gaillard était devenu impraticable, et demandaient qu’il soit réparé et remis en bon état de circulation.
L’Info en +
Les noms de lieux disparus. De nombreuses voies du quartier de la Presle ont aujourd’hui disparu alors que leur nom racontait l’histoire des lieux. Le château Gaillard était une fortification, sur le premier rempart de la ville, qui défendait le passage de la rue de Clérieux. La rue des Chauchères, issu de l’ancien français “chauchier” signifiant “fouler aux pieds” et “chauchière” signifiant “tannerie”, rappelait qu’il y avait des foulons et des tanneries. Le pont des Orphelines indiquait l’existence d’une institution charitable pour l’éducation des pauvres filles orphelines, fondée en mars 1638 par Hélène Tardy et Renée du Peloux sous le nom de Notre-Dame de Pitié et usuellement dénommée Séminaire des Orphelines. La Brèche était une ouverture dans le rempart, défendue par des tours et des bastions, par laquelle la Savasse pénétrait dans la ville. Le quai et la rue de la Charité menaient à l’hôpital du même nom, plus tard appelé hôpital Hôtel-Dieu.
Cet article de Romans Historique est paru dans le Dauphiné Libéré : www.ledauphine.com/drome/2017/02/05/une-vue-inedite-sur-la-presle