Querelle entre les villes de Romans et Bourg-de-Péage au sujet du pont, en 1807
Le 8 juillet 1807, Jean-Baptiste Dochier, maire de la ville de Romans-sur-Isère, et MM. Bochard et Bossan, indicateurs (agents enquêteurs), dressèrent procès-verbal suite à une demande de la ville de Bourg-de-Péage :
“Les Maire et Indicateurs de Romans sont frappés d’entendre MM. les Maire, Adjoints et Indicateurs du Péage, demander pour la première fois, depuis que leur bourg existe, que l’on comprenne dans leurs limites territoriales, une des portes de la ville, construite depuis plusieurs siècles, à l’extrémité méridionale du pont, sur la rivière d’Isère. L’étonnement est à son comble lorsqu’on voit donner, pour motif de cette prétention extraordinaire, que l’intérêt public exige que cet édifice soit démoli et qu’on invite les Administrateurs de la ville de Romans à se réunir à ceux du Péage pour solliciter cette démolition.
Les Maire et Indicateurs de Romans estiment qu’il n’est plus de saison de proposer la démolition de la clôture d’une ville dont la population excède 6 000 personnes.
L’instruction du Ministre de l’Intérieur, du 13 mars 1806, dit que le titre principal du droit d’une commune, sur le terrain contesté, sera toujours l’état où étaient les choses en 1790 et antérieurement. Or, le territoire communal de Romans, pour la juridiction, pour la contribution personnelle, pour la paroissialité, s’étend depuis un temps immémorial, sans la moindre contradiction, jusqu’à la porte méridionale du pont sur l’Isère et sur le logement du portier.
La ville a établi d’abord un hôpital, ensuite une chapelle et depuis la révolution, un corps de garde vers le milieu de ce pont. Elle avait, sur la culée (masse de pierre qui soutient la voûte des dernières arches d’un pont), en dehors de la porte méridionale et sur une arche, des maisons qui ont été vendues comme propriétés nationales. Elle n’a conservé que le corps de garde. Les choses étaient en cet état non contesté, non pas depuis 1790, mais depuis cinq ou six siècles.
Dans ces temps reculés, le Péage n’existait pas. Son nom suffit pour démontrer qu’il ne doit son origine qu’au gouvernement féodal qui ne parut que longtemps après l’existence de Romans.
Maintenant, les remparts de Romans, les portes de la ville, les rues qui la traversent, le pont sur l’Isère, sont une dépendance du domaine public. Qui en doute ? C’est donc cinq ou six siècles après cet état de choses, qui n’a jamais été contesté, que la commune du Péage veut dépouiller la commune de Romans en demandant, pour la première fois, la démolition d’une des portes et la Police Administrative et Judiciaire jusqu’au milieu du pont.
La porte méridionale du pont et le logement du portier sont une anticipation sur le territoire de la commune de Romans ? C’est vous qui le dites, prouvez-le ! Vous devez d’autant plus le prouver que personne n’a tenu ce langage avant vous. Dans quel acte, dans quelle délibération, dans quel mémoire avez-vous puisé ce fait allégué, pour la première fois, en 1807 ?
L’édifice public non vendu qui est sur le pont ne peut appartenir à la commune de Romans, par aucun titre légitime ? Cet édifice public était, il y a des siècles, un hôpital fondé par les habitants de Romans pour les pauvres femmes en couche. Le chapitre de Saint-Barnard en fit une chapelle sous le vocable de Notre-Dame. La révolution en a fait un corps de garde. La commune de Romans le possède avant qu’il existât un Péage de Pizançon.
La porte qui séparait jadis la commune de Romans de celle du Péage était placée à l’extrémité septentrionale du pont ? Ce pont existait en 1134, avait sa culée méridionale sur la rive gauche de l’Isère, du côté du Péage. A cet endroit, il a dû exister un obstacle quelconque pour ne pas passer à volonté puisque le chapitre exigeait un droit dont les habitants de Romans étaient exempts en 1212. Dès que la ville entretenait ce pont, en 1360, il lui appartenait dans toute sa longueur. Lorsque le Péage a été désuni de Romans, en 1680, un arrêt du Conseil a porté au-delà du pont la juridiction et la taillabilité du Péage. C’est fouler au pied des notions historiques que personne n’ignore de dire que la porte qui séparait le Péage de Romans n’était pas à l’extrémité méridionale du pont.
Que d’efforts il a fallu faire pour trouver toutes ces raisons ! Jusqu’à ce jour, elles avaient échappé à tout le monde.
Il faut aussi démolir la porte méridionale du pont parce qu’elle n’est pas en droite ligne avec la rue qui vient du Péage, parce qu’elle n’est pas assez large, parce que le Gouvernement a fait des chasse-roues, parce qu’elle est trop étroite pour les nouvelles voitures qui, cependant, passent journellement !
Bien au contraire, si la porte méridionale du pont était démolie, il en résulterait de très grands abus et tous les désordres qui peuvent arriver dans une ville populeuse non close.
Par ces motifs, les Maire et Indicateurs de la commune de Romans réclament que les territoires de Romans et du Péage restent délimités par la rivière d’Isère et par la porte méridionale du pont, comme par le passé.”
Quelques années plus tard, en 1832, la Ville de Romans-sur-Isère décidera de démolir tous les murs d’enceinte.
Sources : Archives municipales de Romans-sur-Isère ; 1 FLR 1115 – Procès-verbal de la délimitation du territoire de la commune – 8 juillet 1807 ; 1Fi482 – Carte postale “Le pont Vieux après 1830”