Maurice Finet, sauveteur municipal
Le 29 août 1977, Le Dauphiné Libéré publiait un article intitulé “Romans en ce temps là : Le sauveteur de l’Isère” dans lequel il était écrit : “Cet homme, dont nous n’avons pas pu retrouver le nom, avait assez d’occupation pour mériter son titre et les médailles du courage qui ornaient sa poitrine. Si, parmi nos lecteurs, se trouve quelqu’un qui peut nous donner des précisions sur ce sauveteur de l’Isère, nous les accueillerons bien volontiers.” Cet appel n’eut pas de suite.
Dans le même article, une photographie présentait ce sauveteur anonyme. Or, cette même photographie est conservée aux Archives municipales de Romans-sur-Isère sur le titre “Monsieur Finet, sauveteur municipal, Photographe Taly.” (voir ci-dessous)
Premier indice pour en savoir plus sur cet homme et le sortir de l’oubli.
Une délibération municipale de la Ville de Romans, datée du 17 janvier 1891, “renvoie à la Commission des Finances une demande de subvention faite par M. Finet, marinier à Bourg-de-Péage, pour l’achat d’un bateau de sauvetage sur l’Isère.” Le Conseil municipal décide que la ville de Bourg-de-Péage sera consultée pour cet achat.
Maurice Finet était déjà honoré de plusieurs récompenses pour actes de courage. Ainsi, le 9 mai 1891, le Préfet de la Drôme écrit au Maire de Romans pour l’informer qu’une demande de récompense honorifique lui avait été adressée en faveur de Maurice Finet, marinier à Bourg-de-Péage, qui avait accompli un acte de courage en arrêtant, à Romans, un cheval emporté.
Le 20 mai 1891, le Conseil municipal de la Ville de Romans alloue 200 francs à Maurice Finet, marinier, pour entretenir sur l’Isère un bateau de sauvetage. Il est précisé qu’il devra résider à Romans, sur les quais, que la Ville lui achètera un bateau et fera placer trois couronnes ou bouées de sauvetage le long des quais.
La lecture des journaux de l’époque nous permet de mieux connaître ce personnage.
Samedi 16 août 1891, vers 6 heures du soir, alors que le nommé Fortuné, 20 ans, employé chez les frères maristes de Bourg-de-Péage, se baignait dans l’Isère en compagnie de deux de ses camarades, ses forces l’abandonnèrent au milieu de la rivière. Il n’aurait pas tardé à disparaître sans le secours énergique de Maurice Finet qui fut assez heureux pour le ramener sain et sauf sur la rive. M. Montlivier fils et sa mère lui ont prodigué leurs soins.
C’est le 45ème sauvetage opéré par Maurice Finet et on voit que le bateau de sauvetage qu’on a mis à sa disposition n’est pas une dépense inutile entre les mains de cet homme dont le dévouement est légendaire.
Le 17 septembre 1891, le journal L’Impartial publie une note dans laquelle M. Penet, ancien expéditionnaire à titre provisoire dans les bureaux de la Ville de Romans, dit que le bateau de sauvetage a servi à MM. Bénard et Christophe pour aller, dimanche 13 septembre, pêcher à Saint-Nazaire. Le lendemain, le dit Finet proteste dans les colonnes de L’Indépendant : “Depuis que j’ai l’honneur d’avoir ce bateau sous ma garde, il n’est jamais sorti du port Saint-Nicolas et n’en sortira jamais que pour le service auquel il est destiné. Je possède, de mon côté, un bateau que je met à disposition de ceux qui veulent bien me le louer, et M. Penet plus que tout autre, devrait le savoir, puisque lui-même et M. André, ex-architecte, me l’ont emprunté et fait peindre pour la fête du 14 juillet, celui de la Ville n’étant pas encore arrivé.”
L’Indépendant daté du 9 octobre 1891 et La Croix de la Drôme datée du 17 octobre suivant nous apprennent que “Maurice Finet vient d’obtenir en récompense de son dévouement en maintes circonstances, une médaille de la Société de Sauvetage dont le siège est à Paris.”
Vendredi 7 octobre 1892, à 3 heures du soir, Maurice Finet a retiré sur la rive gauche de l’Isère, le cadavre d’un homme inconnu paraissant âgé de 50 ans, taille 1m60, voûté, blouse bleue, pantalon gris foncé, chemise de toile fine et une autre à raies rouges et bleues formant carreaux. Le pantalon était retenu par une ceinture en cuir, une corde au cou paraissant avoir soutenu une pierre et la mort paraissant remonter à vingt jours environ.
Mardi 3 octobre 1893, au matin, il a retiré des eaux de l’Isère un cadavre dont voici le signalement : âge 60 ans, taille 1m73 environ, cheveux gris, presque chauve, barbe grise assez longue, vêtu d’une jaquette et gilet drap noir, pantalon de velours marron, chemise blanche, tricot laine blanche, chaussé de bottes ferrées, ceinture en cuir, le tout en bon état. Dans la poche du pantalon, un mouchoir à carreaux jaune marqué J.S., une tabatière et une somme de 1 francs 60 centimes. D’après les constatations médico-légales faites par le docteur Fabre, on serait en présence d’un suicide ou d’un accident.
En juillet 1894, il est parvenu à retirer des eaux de l’Isère un jeune garçon de 14 ans, nommé Dubois, qui y était tombé.
En août 1894, il a porté secours au sieur Thomasson qui se noyait dans l’Isère et est parvenu à le ramener sur la rive.
Après cette date, nous ne trouvons plus trace des sauvetages de Maurice Finet dans les journaux.
Quant à son état civil, nous pouvons dire que Maurice Finet est né le 12 janvier 1850 à Bourg-de-Péage de Rhétice Amédée Finet, chapelier, et de Marie Pauline Combes, couturière. Il a épousé Louise Elisa Barthélemy le 31 octobre 1877 à Bourg-de-Péage. Sur son acte de mariage, il est dit galocher. Il est mort le 7 février 1919 à Bourg-de-Péage. Sur son acte de décès, il est dit aiguiseur.
Quand sa fille Juliette Louise épouse Charles Régis Coulet, le 29 avril 1905 à Romans, Maurice Finet est dit marinier. Il aura donc eu plusieurs activités dont celle pour laquelle nous lui devons reconnaissance : sauveteur municipal.
Sources : Archives municipales de Romans-sur-Isère – 3 Fi 415, Monsieur Finet, sauveteur municipal, Photographie Taly – 3 K 4, Décorés et médaillés, 1886-1923 – Le Dauphiné Libéré, 29 août 1977 – 1 D 21, Délibérations municipales, 1889-1892 – L’Impartial – L’Indépendant, Journal républicain progressiste de la Drôme – La Croix de la Drôme.