Les petits-fils de Louis XIV à Romans
Autrefois, à cause du mauvais état et du défaut de sécurité des routes, les princes voyageaient à petites journées, accompagnés de leur suite et escortés de leurs gardes.
A chaque étape, ils étaient reçus et hébergés par les autorités du lieu, prévenues longtemps à l’avance. Aux honneurs prescrits par l’usage, chaque localité s’efforçait d’ajouter des témoignages particuliers et de se distinguer par des magnificences et des inventions plus ou moins heureuses, mais où perçait toujours un sentiment sincère de respect.
Sur l’avis, adressé le 6 janvier 1701, par l’intendant de Grenoble, du passage prochain à Romans-sur-Isère de Louis de France, duc de Bourgogne, et de Charles de France, duc de Berry, tous deux petits-fils de Louis XIV, le conseil général de la ville arrêta les dispositions à prendre pour recevoir ces princes et leur rendre les honneurs dus à leur haut rang.
On fit enlever les pierres des chemins, sabler les rues, tendre des tapisseries devant les maisons et préparer des rations et des écuries pour 1 600 chevaux. Afin de rendre plus facile le passage des carrosses et des équipages, on abattit quatre maisons, (celles d’André Fontaine, de Jean Guy, de Marie Bonnet, veuve d’Antoine Ducros, et de Jean Jasset) dont l’emplacement a retenu, de cette circonstance, le nom de place des Princes (aujourd’hui place Lally-Tollendal).
Trois arcs de triomphe furent élevés, chargés d’ornements, et couverts d’inscriptions et de devises, dont la prose et les vers ne sont malheureusement pas venus jusqu’à nous.
Reçus à leur arrivée au bruit du canon et au son des cloches, les ducs de Bourgogne et de Berry furent harangués par les autorités et conduits à leur logement sous un dais de panne cramoisie, doublée de satin de même couleur et bordée d’une frange d’or. Une foule immense remplissait les rues, garnissait les fenêtres, et couvrait les toits.
Suivant un antique usage, la communauté de Romans-sur-Isère offrit à chacun des princes deux quintaux de bougies et douze douzaines de bouteilles d’Eau cordiale de Genève, drogue spiritueuse de grande réputation au XVIIè siècle et fabriquée par des pharmaciens genevois. Elle offrit aussi à chacun des seigneurs de Bouillé et de Noailles un quintal de bougies et six douzaines de bouteilles de liqueur. Enfin, on fit présent aux gardes du corps, la compagnie des Cent-Suisses, et aux gens de la suite, de dix-huit douzaines de bouteilles de vin de Vienne.
Le soir, il y eut une illumination générale dans la ville et un feu d’artifice. Leurs Altesses Royales partirent le lendemain dans la matinée, apès un déjeuner où figura, dit-on, comme luxe et nouveauté, l’infusion de la fève de Moka, autrement dit du café, dont l’usage était encore inconnu à Romans-sur-Isère.
Les frais à la charge de la ville, arrêtés le 22 mai 1701, s’élevèrent à la somme de 13 134 livres 10 sols et 11 deniers, dont 6 790 livres affectées à l’élargissement de la voie publique.
Sources : Archives municipales de Romans-sur-Isère