Le monastère de Sainte-Ursule de Romans
Chapitre III
Le monastère de Sainte-Ursule de Romans jusqu’à la Révolution Française.
Les jeunes filles étaient reçues à l’essai des règles et constitutions du monastère de Sainte-Ursule de Romans dès l’âge de treize ans. Quelques mois après, généralement de deux à six mois, elles demandaient au chapitre d’être reçues à l’habit et, interrogées comme il était ordonné, elle répondaient qu’elles désiraient vivre et mourir dans l’exacte pratique des saintes règles et constitutions du dit monastère. Un mois plus tard, après avoir été examinées par un prêtre et avoir reçu la totalité des voix et suffrages des soeurs par voix secrètes, on leur donnait l’habit de novice et leur nom de soeur.
Les religieuses Ursulines furent au nombre de 220 durant toute l’existence du monastère de Romans. La moyenne d’âge à l’entrée était de dix-huit ans, les plus jeunes ayant treize ans et les plus âgées, quarante-cinq ans. Plus de la moitié avaient moins de dix-huit ans à leur entrée : 9 avaient treize ans, 46 avaient quatorze ans, 25 avaient quinze ans, 20 avaient seize ans et 15 avaient dix-sept ans. La moyenne d’âge au décès était de cinquante six ans, la plus jeune ayant seize ans et les plus âgées, quatre-vingt-huit ans.
Cette réception procédait toujours d’un rituel très établi que nous illustrons ici par celle de Christine Clément dite soeur Angèle de sainte Julie : “Ce jourd’hui quatrième du mois de novembre de l’année 1785, à quatre heures après midi, nous [Bouvier Desmarest, chanoine théologal et sacristain de Saint-Barnard, examinateur commis] nous sommes transporté au parloir des dames religieuses de Sainte-Ursule de cette ville. Nous avons demandé à parler à madame Christine Thomé, supérieure, dite dans la religion soeur sainte Victoire, laquelle s’étant présentée, nous lui avons déclaré que nous nous étions rendu au dit lieu pour y faire l’examen de la vocation pour l’état religieux de la demoiselle Christine Clément, prétendante dans leur dit monastère et ce, en exécution de la commission qui nous a été donnée à cet effet par monsieur l’abbé Bertholet, vicaire général et supérieur de toutes les communautés religieuses de ce diocèse. Après quoi, nous avons prié la dite dame supérieure de faire paraître devant nous la maîtresse des novices qui est la dame Jeanne Fière, dite dans la religion soeur saint Henry, laquelle s’est rendue au dit parloir. Nous avons interrogé les dites dame supérieure et maîtresse des novices qu’on nous a dit être les seules de la communauté qu’on soit en usage de consulter en pareil cas, sur les dispositions et qualités de la demoiselle Clément. Elles nous ont déclaré les connaître et avoir bien examiné ses motifs. Elles ont ajouté qu’elles croient qu’elle est bien appelée à son état religieux, qu’elle pourra soutenir l’austérité de la règle et qu’elle a édifié toute la communauté depuis son entrée dans leur monastère et plus encore, depuis qu’elle a été admise aux exercices de ses premières épreuves. Interrogées si elles n’ont pas ouï dire qu’elle ait été sollicitée à embrasser l’état religieux, si elles-mêmes ne l’ont pas sollicitée à se retirer et à se fixer dans le cloître, elles ont répondu qu’elles ne croyaient pas qu’elle eut été incitée et pressée par qui que c’était à se faire religieuse, que quant à elles, elles ne l’y ont jamais sollicitée, qu’au contraire, elles l’ont continuellement éprouvée en lui représentant en détail toutes les obligations qu’elles se proposait de contracter. Après quoi, nous avons demandé que la dite demoiselle Clément parut devant nous. Les dites dames religieuses s’étant retirées et la dite prétendante s’étant présentée, nous l’avons interrogée sur son âge, sa santé et sur ses dispositions pour la vie religieuse. Elle nous a répondu sur un ton marqué marqué au sceau de la candeur et de l’ingénuité qu’elle est âgée de vingt-quatre ans, qu’elle est née dans cette ville sur la paroisse de Saint-Romain le second du mois d’août de l’année 1761, qu’elle est fille naturelle et légitime du sieur Joseph Clément et de Madelaine Catherine Brenier, ses père et mère, habitants sur la dite paroisse, et qu’elle a été baptisée sous le nom de Christine Clément ainsi qu’il résulte de son extrait baptistaire. Elle nous a dit qu’elle jouit d’une bonne santé, qu’elle se croit bien en état de soutenir le régime des filles de la communauté de Sainte-Ursule, que quant à ses dispositions et aux motifs qui lui font désirer son entrée en religion, elle n’a en vue que son salut et qu’elle ne désire s’éloigner du monde que pour s’attacher plus étroitement à Dieu. Exhortée de nous dire sincèrement si aucun motif humain, sollicitations ou mauvais procédés des parents, et encore instances ou sollicitations de la part des religieuses n’ont contribué en rien à lui faire demander son entrée en religion, elle nous a protesté qu’elle n’en a été sollicitée par qui que ce soit, que sa vocation lui avait été inspirée par Dieu seul. C’est pour quoi elle nous prie de donner notre consentement à ce qu’elle soit admise à prendre l’habit de religieuse et à commencer ses exercices du noviciat, à quoi nous avons consenti, en la qualité que nous agissons. De tout quoi, nous avons dressé le présent verbal pour valoir ce que de raison et l’avons fait signer avec nous aux dites demoiselle Clément, dame religieuse supérieure et maîtresse des novices susnommées, à Romans, au lieu, jour et an que dessus.”
Notons que le parloir du monastère se trouvait, en 1785, dans la maison située à l’angle de l’actuelle côte des Cordeliers et de l’actuelle côte Sainte-Ursule. Nous en reparlerons.
Après deux années de noviciat, elles faisaient profession lors d’un rituel aussi établi que le précédent et que nous illustrons encore par l’exemple de Christine Clément dite soeur Angèle de sainte Julie : “Ce jourd’hui vingt-et-un novembre de l’année 1787, à deux heures après midi, nous [Bouvier Desmarest, chanoine théologal et sacristain de Saint-Barnard, examinateur commis] nous sommes transporté au parloir des dames religieuses de Sainte-Ursule de cette ville pour y faire l’examen de la vocation pour l’état religieux de la demoiselle Marie Christine Clément et ce, en exécution de la commission à nous adressée par monsieur l’abbé Bertholet, grand vicaire et supérieur général de toutes les communautés religieuses de ce diocèse, par la lettre du quinzième du courant. Et pour procéder au dit examen, nous avons demandé à parler à la Révérende Mère supérieure, madame Christine Thomé dite dans la religion soeur sainte Victoire, laquelle s’étant présentée, nous lui avons déclaré que notre intention était de procéder sur le champ au susdit examen. Nous l’avons priée de faire appeler la maîtresse des novices qui est la dame Jeanne Fière dite dans la religion soeur Henry, laquelle s’est rendue dans l’instant au dit parloir. Nous avons interrogé les susdites dame supérieure et maîtresse des novices sur l’âge, les dispositions et les motifs qui ont décidé la dite demoiselle Clément, novice dans leur monastère depuis deux ans révolus, à demander à être admise à y faire sa profession par l’émission des voeux solennels de religion. Elles nous ont successivement répondu que la susdite demoiselle Clément, novice, était dans sa vingt-septième année, ce qui est prouvé par son extrait baptistaire prit sur les registres de la paroisse de Saint-Romain de cette ville, qui porte qu’elle y fut baptisée le deuxième août 1761 sous le nom de Marie Christine Clément, comme fille naturelle et légitime de Jean Joseph Clément et de Magdelaine Catherine Brenier, mariés, lequel extrait nous a été exhibé. Pour ce qui concerne sa santé, elles nous ont assuré que la dite novice n’était affligée d’aucune indisposition, qu’elle paraissait assez bien constituée pour pouvoir soutenir le régime de la vie religieuse, que quant à ses dispositions, elles estimaient que c’était l’amour de la religion et le désir d’assurer son salut éternel qui l’avaient soutenue devant les épreuves de son noviciat et qui lui faisaient demander d’être admise à faire sa profession. Elles ont ajouté que durant les deux années des susdites épreuves, elle avait édifié leur communauté par sa piété, par son exactitude aux offices, par son empressement à s’acquitter des emplois qu’on lui a confiés et plus encore, par la soumission avec laquelle elle a soutenu toutes les épreuves auxquelles on la mit, pour la mettre en état de bien s’assurer de sa vocation à l’état religieux, que par l’examen suivi qu’elles en ont fait, elles croyaient bien sincèrement que c’est l’esprit de Dieu qui l’y appelle, qu’au surplus, il est de leur connaissance que les parents de la dite novice, depuis son entrée dans leur dite communauté, l’ont souvent pressée, avant et depuis son entrée dans leur noviciat, de revenir dans la maison paternelle où elle était désirée, que pour ce qui les concernait, elles et leur communauté, elle n’y fut jamais sollicitée d’embrasser l’état religieux, que les différentes épreuves auxquelles on y a mis sa persévérance étaient bien plus capables de l’en dégoûter. Les dite dame supérieure et maîtresse des novices s’étant retirées, nous avons demandé la dite demoiselle Clément, novice, laquelle s’étant présentée, nous l’avons interrogée sur sa santé et sur ses dispositions pour l’état religieux. Elle nous a répondu avec la fermeté et la candeur qui caractérisent les bonnes fois, qu’elle se trouve d’une santé assez forte pour pouvoir soutenir le régime des religieuses de Sainte-Ursule, qu’elle a soutenu sans altération les épreuves auxquelles on l’a mise durant son noviciat, que quant à ses dispositions pour l’état religieux, elles sont parfaitement les mêmes dans le moment que lorsqu’elle demanda à entrer dans cette communauté, que ce fut la crainte des dangers auxquels son salut éternel serait exposé si elle passait sa vie dans le monde, et le désir d’y travailler avec plus de fermeté qui lui fit prendre les résolutions de se consacrer à Dieu par les voeux solennels de religion, que par la grâce du Seigneur, cette bonne volonté s’est constamment soutenue, que l’essai qu’elle a fait de la vie religieuse, par les épreuves auxquelles on la mit durant les deux années de son noviciat, loin de l’en dégoûter n’ont contribué qu’à augmenter le désir qu’elle se sent de s’y consacrer pour toujours et qu’elle nous supplie de consentir d’y faire ses derniers voeux. Interrogée si elle n’a point été pressée par les mauvais procédés de ses parents ou par les sollicitations des religieuses à quitter le monde pour embrasser l’état religieux, elle nous a répondu qu’elle n’éprouva jamais de mauvais procédés de la part de ses parents, qu’elle eut toujours à se louer de leur tendre amitié pour elle et qu’ils l’ont souvent sollicitée, depuis son entrée en noviciat, à renoncer à la vie qu’on mène dans le cloître. Que pour ce qui est des religieuses avec lesquelles elle vit, il n’en est aucune qui l’ait sollicitée à se faire religieuse, qu’elles se sont uniquement occupées à l’instruire de toutes les obligations qu’elle contracterait si elle embrassait leur état. Qu’elle est convaincue que sa vocation vient du ciel, qu’elle persiste en conséquence à nous prier de consentir qu’elle se consacre au Seigneur par l’émission de ses voeux solennels, à quoi nous avons consenti en notre susdite qualité d’examinateur commis, de tout quoi nous avons dressé le présent verbal que nous avons signé et fait signer au lieu que dessus, par les dites demoiselle Clément, novice, mère supérieure et maîtresse des novices, à Romans, les susdits jour et an.”
Après quoi, les novices rédigeaient et signaient de leur main la déclaration suivante : “Je promet, moyennant la grâce de Dieu, de renoncer à tous biens temporels et propriétés, et à tous les plaisirs du corps et de l’esprit contraires aux voeux de chasteté, et à moi-même et à mon propre jugement et volonté pour acquiescer parfaitement à la volonté et jugement de ma supérieure suivant les voeux que je désire faire, et garder soigneusement toutes les règles, constitutions et coutumes de notre ordre, et de prendre en gré avec humilité et désir de m’amender tous les avertissements et corrections qui plaira à notre supérieure me faire, et trouver jamais mauvais qu’on me défère mes fautes et manquements, et de m’employer à l’instruction des pensionnaires et externes, et à toute autre chose qu’on m’ordonnera.”
L’on voit que les jeunes filles qui se promettaient à la vie religieuse dans le monastère de Sainte-Ursule de Romans n’y étaient point obligées et qu’il s’agissait bien d’un voeu personnel quoi qu’elles fussent le plus souvent âgées de treize ou quatorze ans. Par ailleurs, elles étaient issues des meilleures familles de Romans et alentours, et savaient parfaitement signer (voir Annexe IV).
La Mère supérieure était élue tous les trois ans et une même religieuse ne pouvait diriger la communauté plus de six ans de suite.
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