Janvier 1853 : le pendu était plus lourd mort que de son vivant
Il n’est ici question que d’une tentative d’empoisonnement que les circonstances dont elle est environnée rendent assez singulière. Voici les faits tels que chacun les raconte :
La femme d’un menuisier de Margès, petit village de la Drôme, dans l’arrondissement de Romans, menait une vie assez singulière. Sa liaison bien connue avec un homme de la localité avait été cause de plusieurs altercations dans le ménage, si bien qu’elle forma le dessein de se débarrasser d’un mari dont la présence gênait ses penchants.
Elle se rend à Romans, entre chez un pharmacien et demande de l’arsenic pour détruire les rats dont la maison est infestée. Le pharmacien, homme avisé, refuse et déclare à la fin qu’il ne délivrera de l’arsenic qu’au mari, en présence de témoins. Peu de jours après, le mari arrive pour un autre achat chez le même pharmacien et celui-ci lui demande si les rats pullulent dans sa maison.
– Je ne m’en suis jamais aperçu, répond l’honnête menuisier.
– Mais votre femme est venue me demander de l’arsenic.
– Ah ! s’écria l’autre, cette coquine veut m’empoisonner !
– Eh bien, faites la revenir.
Alors, on convient que le pharmacien livrera une substance inoffensive, que le mari mangera la soupe où cette substance aura été mêlée et qu’après l’avoir mangée, il simulera une atteinte subite de mort pour donner une sévère leçon à l’épouse infidèle.
Tout se passa ainsi qu’il avait été prévu et disposé : la femme revint, emporta le prétendu poison, en saupoudra le potage que le mari ne manqua pas de trouver mauvais et auquel la femme se garda bien de goûter : enfin, toutes circonstances ordinaires de ces sortes de crimes.
La soupe mangée, le mari se trouva mal à l’aise, puis tombe et fait le mort. Tout alla bien jusque là mais voici qui commence à déranger le plan concerté à l’avance.
La femme, pour simuler un suicide, va chercher une corde toute neuve préparée à cet usage, fait proprement un noeud coulant, le passe au cou du prétendu mort et, cela fait, elle remonte au grenier pour tirer d’en haut la corde qu’elle avait eu le soin d’attacher solidement à une poutre de la charpente.
Pendant qu’elle monte, le mort se relève, attache au pied de son banc de menuisier la corde déjà passée à son propre cou et attend la suite de l’événement. La femme, une fois arrivée là-haut, se met à tirer, sans doute de toutes ses forces, mais trouvant son mari plus lourd mort que de son vivant, elle descend pour se rendre compte de cette résistance extraordinaire.
A peine a-t-elle franchi le seuil de la porte que, d’une main pleine de vie et de force, le mari lui applique sur chaque joue deux vigoureux soufflets.
Cela fait, il la mène à la mairie d’où elle est transférée dans les prisons de Valence.
Source : Le Courrier de la Drôme et de l’Ardèche du vendredi 21 janvier 1853.
Je n’ai pas fait de recherches à ce sujet et le journal ne mentionne pas les noms des protagonistes.
Voilà une anecdote à la conclusion bien morale !
Sait-on ce qu’est devenue cette « brave » dame ? Est-elle restée en prison longtemps ?…