Exceptionnel portrait d’un marchand de Romans au XVIe siècle
Daté de 1554, portant l’inscription “Bernardin Guigo à 60 ans à présent” et mesurant 60×45 cm, c’est le plus ancien portrait connu d’un romanais, à ce jour.
Ce rare et magnifique tableau, huile sur bois anonyme, se trouve aujourd’hui dans le château de Pupetières, entre Grenoble et La Tour-du-Pin (Isère), et l’actuel propriétaire, Aymar de Virieu, nous dit qu’il a été restauré, il y a quelques années.
Des recherches effectuées avec Béatrice Brunel, historienne locale à Peyrins, nous permettent de découvrir la vie de Bernardin Guigo ou Guigou à Romans.
Il est né à Romans vers 1494. Marchand apparemment riche et influent, on le trouve consul de la ville de Romans en 1534.
Après les Guerres de religion, à la demande des chanoines de Saint-Barnard, Antoine Guérin, lieutenant du juge de Romans, est commis pour visiter les ruines et démolitions, et pour entendre les dépositions de vingt témoins. C’est ainsi que le 3 janvier 1564, Bernardin Guigou dépose sous serment pour dire qu’il avait vu dans l’église de Saint-Barnard, avant les troubles, “de bonnes portes et ferrures, une turbine (jubé) de marbre sur douze piliers, les uns de marbre, les autres de porphyre, avec un chœur joignant à la dite turbine, et un grand autel de marbre avec des châsses couvertes d’argent, appelées l’une de saint Barnard, l’autre des Trois Doms et la dernière de saint Anitor, et deux pièces d’orgue étant sur deux chapelles voûtées, appelées l’une de Notre-Dame et l’autre de Saint-Éloy, et des vitres historiées par toutes les fenêtres, et plusieurs treillis (grilles) de fer, l’un dans le chœur, un autre à la chapelle où l’on disait la première messe, un autre à la chapelle de Saint-Denis et encore un autre à une sépulture d’un évêque, et plusieurs bonnes cloches, tant grosses, moyennes que petites, et beaucoup de riches habits comme chapes de velours, de damas et autres draps de soie de plusieurs couleurs.” Son témoignage, ici résumé, est la meilleure photographie que nous ayions de l’église de Saint-Barnard avant les Guerres de religion.
En 1575, il épouse Marie Loysonnier. Nous avons pu trouver leur contrat de mariage passé le 13 janvier 1575 chez maître Pierre Sabaton, notaire à Romans (celui-là même qui a donné son nom à une place au bord de l’Isère). Sa fille Louise épouse le notaire Jean Collet d’Anglefort, le 22 mars 1589.
Dans les archives, nous trouvons aussi une donation au chapitre de Saint-Barnard par Bernardin et Guillaume Guigou “de la faculté de racheter le tènement de boutique à deux grandes portes, avec une arrière-boutique en la place du Marché, au-dessous du logis des Trois-Rois” en 1533, et une procédure “pour Bernardin Guigo contre les consuls de Montelier en appel de la péréquation des tailles sur lui faite” en 1559.
Parmi les personnalités romanaises descendant de Bernardin Guigou, nous trouvons Ulysse Roux (1842-1897), industriel, tanneur, président du Tribunal de commerce, et René Barlatier (1880-1955), médecin, co-fondateur du bureau municipal d’hygiène et la consultation des nourrissons de la Goutte de Lait avec le docteur Marius Bonnet, et maire de Romans de 1931 à 1944.
Jean-Yves Baxter
L’info en +
Un Guiffrey de Virieu est attesté en l’an 1010 alors qu’une maison forte avec une enceinte existe sur les lieux de l’actuel château. Au moment de la Révolution française, François Henri de Virieu, son épouse Élisabeth et leurs enfants doivent quitter le château entièrement pillé et vendu aux enchères. En 1796, Élisabeth de Virieu dépose à Montrevel, dans un château quasi-ruiné, les meubles et les objets qu’elle peut récupérer. Enfin, veuve, elle rachète le domaine de Pupetières en 1816. C’est en 1861 qu’Alphonse de Virieu confie la restauration complète du château à Eugène Viollet-le-Duc. Le propriétaire actuel, Aymar de Virieu, et sa famille ouvrent largement les portes du château pour le faire connaître. Ainsi, ils organisent Les Journées des plantes, chaque année, au mois de septembre, un rendez vous pour tous les passionnés de jardins et amateurs de plantes rares, avec des animations, conférences, exposition, ateliers et visites du château. C’est aussi un lieu de réceptions, mariages, séminaires et tournages de films. Contact : https://pupetieres.jimdofree.com/
Cet article de Romans Historique est aussi paru dans le Dauphiné Libéré : https://www.ledauphine.com/culture-loisirs/2022/12/24/le-portrait-d-un-marchand-romanais-du-xvie-siecle