En 1910, M. Rochas, instituteur à Romans, demande la vérité sur une apparition qui s’est produite à Saint-Martin-en-Vercors
Le 20 novembre 1910, M. Rochas, instituteur à Romans, écrit à Antonin Bayle, curé de Saint-Martin-en-Vercors pour “connaître la vérité, toute la vérité et rien que la vérité sur le grand événement qui s’est produit dans cette ville, les 18, 19 et 20 septembre.”
Antonin Bayle lui transmet alors un rapport très précis :
Le dimanche 18 septembre, à neuf heures et demi du matin, Marie Callet épouse Eymat, allait vers une prairie pour y faner (tourner et retourner l’herbe d’un pré fauché pour la faire sécher). Elle portait une fourche et en même temps, elle disait son chapelet. Arrivée dans le chemin qui mène dans la prairie, elle entendit des gémissements. Craignant que quelque enfant se fut blessé, elle se dirigea vers l’endroit d’où partaient ces plaintes. Y arrivant, elle vit au-dessous d’un tas de pierres, sur le gazon, une belle Dame qui pleurait beaucoup.
“Vous êtes malade, Madame ?”, lui demanda Marie Eymat.
“Je ne suis pas malade”, répondit la belle Dame et, debout, ouvrant largement les bras, elle ajouta : “Partout, on travaille. Il y a bien longtemps que je réclame le repos et la sanctification du dimanche. Ils ne sont pas accordés. Vos pommes de terre se gâtent et d’autres malheurs arriveront. Faites bien prier les petits enfants !” Et la belle Dame disparut.
Son costume se composait d’une longue robe bleu lumière, d’une large ceinture bleu foncé, d’un long voile blanc qui la recouvrait entièrement, d’un diadème étincelant et dont les rayons se fondaient avec ceux du soleil.
Le lundi 19 septembre, à la même heure et au même endroit, Marie Eymat arrachait des pommes de terre. La belle Dame de la veille lui apparut et lui dit en pleurant beaucoup : “Beaucoup de gens travaillent le dimanche et se reposent le lundi. N’ayez pas peur de parler de moi.”
Ces dernières paroles se rapportent à la résolution qu’avaient prise Marie Eymat et son mari, de n’en jamais parler à personne. Cette seconde apparition était un ordre. Aussi, Marie Eymat, très émue, se présenta au presbytère et me demanda ce qu’elle avait à faire.
Je lui ordonnai de retourner aux champs dès qu’elle le pourrait.
Elle le fit le mardi 20 septembre à deux heures et demi de l’après-midi, accompagnée de mademoiselle Bechet, personne très pieuse, et de Louise Bellier-Romey. Marie Eymat regarda vers le lieu des apparitions et aussitôt, elle s’écria : “La voilà ! Elle y est !”
S’approchant toutes, l’apparition fit un grand signe de croix et instinctivement, Marie Eymat fit de même, ce que firent aussi ses compagnes. Marie Eymat se mit à genoux et les autres aussi. Marie Eymat, joignant les mains, commença le chapelet auquel répondirent les autres dames. Après le chapelet, elle récita les litanies de la Sainte Vierge et l’acte de contrition. Pendant toutes ces prières, la belle Dame demeura devant Marie Eymat qui, seule, la voyait et l’entendait.
Elle voulut lui demander qui elle était mais la belle Dame ne lui en donna pas le temps. “Je suis la Mère et le Refuge des pêcheurs”, dit-elle avant de disparaître.
Pendant la récitation du chapelet et des autres prières, il plut abondamment. Marie Eymat, sans parapluie, la tête nue, ne reçut pas une goutte d’eau, ce que constatèrent ses compagnes qui durent, à l’arrivée chez elles, changer de linge car elles étaient mouillées jusqu’à la peau et cela, avec leur parapluie ouvert. Eugène Eymat constata que sa femme n’avait pas reçu une goutte d’eau. Et cependant, elle était encore restée quinze à vingt minutes à genoux, sur le gazon, pendant la pluie.
Pendant les trois apparitions, la Mère et le Refuge des pêcheurs a pleuré beaucoup. Et quand elle écoutait les prières, elle avait les mains croisées sur la poitrine. Le costume fut toujours le même.
Tel est le récit et la vérité.
Sources : Archives municipales de Romans-sur-Isère – 121 S, Hôpital XIXe-XXe siècle – Illustration : Bernadette Soubirous devant la grotte de Massabielle, gravure de Charles Mercereau (1822-1864).