A la Parisière, le clos Pansu et ses illustres propriétaires : Erratum
L’Impartial du 5 mai 2011 publiait un article intitulé “A la Parisière, le clos Pansu et ses illustres propriétaires” et signé “Société d’Etudes Historiques de Romans-Bourg-de-Péage (SEHR), Benjamin Missud, licencié en droit”.
Pourquoi un article en grande partie consacré à la famille de Paul Brunat, péageois ayant construit la filature de Tomioka au Japon, alors que l’association de “Sauvegarde du Patrimoine romanais-péageois” vient d’effectuer des recherches historiques complètes à ce sujet, y consacrant même une conférence et plusieurs expositions ?
En se basant sur ces travaux, il apparaît que l’article de la SEHR comporte de nombreuses erreurs et je vais exceptionnellement traverser l’Isère pour en corriger quelques unes.
1. Peut-on être maire avant d’être né ?
L’article de la SEHR nous dit : “François Ulysse Brunat fut le maire bonapartiste de la ville de 1801 à 1809.”
François Ulysse Brunat est né le 11 Brumaire an XIII, soit le 2 novembre 1804. Il lui était donc difficilement possible d’être maire de Bourg-de-Péage de 1801 à 1809.
C’est son père, François Bruno Brunat, né le 25 janvier 1765, qui était maire de Bourg-de-Péage de 1801 à 1809. François Ulysse le sera lui-même de 1852 à 1856.
2. Les enfants de François Ulysse Brunat
L’article de la SEHR nous dit : “De son mariage en février 1833 avec Marie Jeanne Virgine Teissere, naissent quatre enfants : François Paul, Marie Françoise Gabrielle, Marie Antoinette et Mlle Niss.”
En réalité, François Ulysse Brunat et Marie Jeanne Virgine Teisseire auront cinq enfants :
1. Marie Françoise Gabrielle, née le 7 décembre 1833 à Bourg-de-Péage
2. Marie Joséphine Niss, née le 28 juillet 1835 à Bourg-de-Péage
3. Joseph François, né le 18 mars 1837 à Bourg-de-Péage et décédé le 27 février 1841 à l’âge de quatre ans
4. François Paul, né le 30 juin 1840 à Bourg-de-Péage
5. Marie Antoinette, née le 7 octobre 1843 à Bourg-de-Péage
A noter que Marie Jeanne Virgine Teisseire est parfois dénommée Teysseire ou Teissère mais que l’orthographe la plus utilisée est Teisseire.
3. L’héritage de François Ulysse Brunat et la vente du “Clos”
L’article de la SEHR nous dit : “Le 27 juillet 1878, sa veuve et son fils François Paul vendent à Jean Baptiste Victor Pansu la propriété sur la route de Pizançon, appelée Le Clos”
Suite à des difficultés financières, une vente par licitation oblige à la mise aux enchères des biens immobiliers indivis, en exécution du jugement ordonné par le tribunal civil de Valence le 31 mars 1857 et François Ulysse demande à son homme d’affaire de racheter une partie des biens. En même temps, il y aurait eut une donation au dernier des vivants entre les époux Brunat avant son décès en 1865.
Puis Mme veuve Brunat fait don de ces biens à ces quatre enfants. Elle ne peut donc pas vendre des biens qu’elle ne possède plus.
Ce sont les enfants, après une purge d’hypothèque du 16 juillet 1878, qui vendent à M. Pansu, pour le prix de trente trois mille francs, la propriété appelée le “Clos” et qui deviendra le “Clos Pansu”.
4. Paul Brunat s’est-il établi négociant en soie à Lyon ?
L’article de la SEHR nous dit : “[François Paul] obtient un baccalauréat en sciences, puis s’établit négociant en soie à Lyon.”
Dans l’ouvrage collectif dirigé par René Sieffert et intitulé “Le Japon et la France, Images d’une découverte”, il est mentionné que “Paul Brunat avait travaillé dès son jeune âge dans l’industrie de la soie avant d’être employé à Lyon par une maison de gros […] puis chez un négociant qui traitait avec l’Orient”. Dans le même ouvrage, il est mentionné que “Paul Brunat avait, avant d’être recommandé aux Japonais, travaillé pour le compte d’un commerçant allemand, Heimer, établi à Yokohama.”
D’autre part, dans les relevés de carrière de son père datés de 1861,1862 et 1863, il est écrit que son fils Paul est employé dans une maison de commerce à Cadix.
Il n’a pas été trouvé de trace d’un établissement à son compte avant son départ pour le Japon.
5. Paul Brunat a-t’il commercé avec le Japon et le Tonkin entre 1866 et 1900 ?
L’article de la SEHR nous dit : “Il effectue un commerce important entre Lyon et le Japon, et par la suite au Tonkin, entre 1866 et 1900.”
Le 12 mars 1866, il est envoyé à Yokohama, comme inspecteur de la soie grège, dans le bureau de représentation de la Société lyonnaise Hecht Lielienthal & Cy. Puis, le 22 juin 1869, en compagnie d’un diplomate et d’un inspecteur des soies, il parcourt différentes provinces du Japon. Le 4 septembre 1869, il présentera son rapport dans lequel il affirme que “les japonais devront utiliser la vapeur pour obtenir des filatures industrielles.”
Il n’y a pas de trace d’un commerce avec le Japon et le Tonkin à cette période.
6. Paul Brunat fait-il construire la filature de Tomioka en 1872 ?
L’article de la SEHR nous dit : “Il fait donc construire en 1872 une manufacture de soie du Japon à Tomioka.”
En réalité, la construction de la filature a lieu un peu plus tôt :
En juin 1870, un contrat provisoire lui est proposé par le ministère des finances du Japon pour construire et diriger la première grande filature d’Etat. En novembre 1870, un terrain est acheté, dans la province de Gunma, à Tomioka, à proximité d’une mine de charbon, près d’une rivière. Début 1871, la construction commence. Les travaux sont achevés en juillet 1872 et l’usine sera inaugurée le 4 novembre 1872.
7. Le Tonkin ou Shanghai ?
L’article de la SEHR nous dit : “En 1881 et 1900, le péageois occupe la fonction de président de la mission commerciale des chambres de commerce de France au Tonkin.”
En 1881, Paul Brunat est président de la Mission Commerciale des Chambres de Commerces de France à Shanghai et non au Tonkin.
Ce n’est que plus tard, en 1884, qu’il sera missionné au Tonkin par la Chambre de Commerce de Lyon pour enquêter sur les perspectives commerciales de l’Indochine française.
Le 7 mai 1908, Paul Brunat décède au 48 boulevard Emile Augier à Paris. Il est enterré le 9 mai 1908 dans le tombeau de la famille Lefébure-Welly au cimetière du Père Lachaise. Les honneurs militaires lui seront rendus.
Sources : Recherches historiques effectuées par l’association de “Sauvegarde du Patrimoine romanais-péageois” dans le cadre de l’événement “Paul Brunat, une histoire en soie” ; “Le Japon et la France, Images d’une découverte”, ouvrage collectif dirigé par René Sieffert, 1974 ; “Soie et Lumieres : L’Age d’or des échanges franco-japonais des origines aux années 1950”, Christian Polak, 2001 ; “Sabre et Pinceau : Par d’autres Français au Japon. 1872-1960”, Christian Polak, 2005 ; “Lyon à la découverte de l’Indochine : la mission Brunat (1884-1885)”, Jean-François Klein, 1994 ; Archives départementales de la Drôme, Etat civil
Paul Brunat était employé dans la maison lyonnaise de commerce de la soie, Hecht-Lilientahl, entre 1867 et 1870 à Yokohama avant d’être demandé par le gouvernement japonais pour la construction d’une filature moderne, il choisira le site de Tomioka dans le département de Gunma.