15 mai 1850 : L’assassin avait l’accent des habitants de Crest ou de Romans
Dans la soirée du 15 mai 1850, vers 9 heures du soir, Joseph Vel, âgé de 74 ans, rentier, et Joseph Chambaud, dit Henry, propriétaire et fermier, tous deux domiciliés au terroir de Montmeyran, canton de Chabeuil, revenaient de la foire de Beaumont.
Ils arrivaient au terme de leur voyage lorsque tout à coup, entre les bornes kilométriques n° 11 et 12, ils ont été brusquement arrêtés par deux inconnus qui, le pistolet au poing, leur crièrent : “La bourse ou la vie !”
Le malheureux Vel, ne croyant peut-être qu’à une mauvaise plaisanterie, se plaça résolument devant son ami, le couvrit de son corps et répondit à l’agresseur : “Je n’ai pas vingt sous, mon cher, et ça ne vaut pas votre coup de pistolet, vous ne tirerez pas pour si peu…”
M. Vel n’avait pas achevé ces derniers mots qu’une épouvantable explosion le renversait sans vie sur M. Chambaud, atteint mortellement par les mêmes projectiles mais qui, malgré sa blessure, a encore assez de force pour saisir l’un des assaillants par la veste. Mais, menacé d’un poignard, il lâche prise en appelant au secours. Les assassins s’éloignent alors en prenant chacun une direction différente.
Il paraît que les balles, de forme irrégulière, ont traversé le bas-ventre et la poitrine du malheureux M. Vel, et percé de part en part l’estomac de M. Chambaud dont le poumon était ouvert et qui doit avoir expiré au moment où nous écrivons, les médecins n’ayant même pas jugé à propos d’extraire une balle qui était restée contre l’épine dorsale.
La nouvelle de ce crime, commis presque en plein jour et sur une des routes les plus fréquantées, s’est répandue en un instant dans toute la vallée et a produit une vive sensation parmi les populations rurales qui parcourent à toute heure le chemin de grande communication de Valence à Beaumont. Un piquet de gardes nationaux et plusieurs gendarmes, un lieutenant, le procureur de la République, le juge d’instruction, le greffier, assistés d’un médecin, se sont aussitôt transportés sur les lieux et se sont livrés à de minutieuses investigations pour en découvrir les auteurs. Mais, jusqu’à présent, malgré les plus intelligentes recherches, rien n’a pu mettre sur leurs traces. Il résulte seulement des explications entrecoupées qu’à pu donner le malheureux Chambaud que les deux assassins sont âgés de 23 à 25 ans, taille d’environ 5 pieds 1 pouce, vêtus l’un et l’autre de vestes et pantalons en drap bleu ou noir, et que leur accent est celui des habitants de Crest ou de Romans.
La garde nationale et la gendarmerie ont organisé des patrouilles qui parcourent les campagnes, tant pour rechercher les assassins que pour rassurer les populations.
Source : Le Courrier de la Drôme et de l’Ardèche.