Guillaume des Autels – A la ville de Romans (poésie)
A la ville de Romans est une poésie de Guillaume des Autels publiée en 1551 dans le recueil Suite du Repos qui suit la Réplique aux furieuses défenses de Louis Meigret.
Il s’agit d’un magnifique chant d’amour à la ville d’origine de sa bien aimée Denise Mahé.
Je la transcris ici avec une orthographe moderne mais le texte original est disponible sur les images ci-dessous.
A la ville de Romans
Si Phebus à mon désir
Le loisir
Ni le pouvoir ne refuse
Au départ de ce lieu
O mon Dieu,
Quel chant fera cette muse !
Ce mélodieux chanteur
Enchanteur,
La gloire et l’honneur de Thrace,
Brisant par ses chants les fers
Des enfers
Tant que moi n’aura de grâce.
Si Amphion dit pouvoir
De mouvoir
Par chansons les pierres dures :
Les arbres ferait sauter,
Sans ôter
Ni leurs fleurs ni leurs verdures.
Et les nymphes qui viendront
Se tiendront
De m’écouter bienheureuses,
Aves les Faunes témoins,
Pour le moins
Celles qui sont amoureuses.
Non ces honneurs superflus,
Mais sans plus
Une chose je désire :
C’est que ces miens vers Romans
Te nommant
Tu veuilles chanter ou lire.
O ville que mon plaisir
Veut choisir
Pour l’éternelle demeure
De mon âme, quand le corps
En sort hors
Peu s’en faut que je ne meure.
Quel Dieu me fera avoir
Le pouvoir
O ville que tant j’admire,
Sans me faire trépasser
De passer
Ce mot fâcheux qu’il faut dire ?
Adieu je dis donc hélas
A Soulas
Recevant deuil et misère,
Puis que plus je ne te vois
Près de moi
Courir de travers l’Isère.
Laissant cette ville-ci
De souci
N’es-tu comme moi pourvue ?
Oui qui sans plus courir
Veux mourir
Quand d’elle tu perds la vue.
Ah que tu me fais grand tort
Tarde mort
Mort à moi trop paresseuse :
Que ne me délies-tu
La vertu
De cette vie angoisseuse ?
Afin que les meurtriers yeux
En ces lieux,
Trop tard après leur offense,
Arrosent mon vain tombeau
De leur eau
Bénite, par pénitence.
L’Isère fâcheux trépas
Tu n’as pas
Près de cette ville belle
Quand au Rhône tu te rends
Où tu prends
Ta sépulture éternelle.
Mais vient cela de bonheur
Ou de peur
Que ces gens tu ne voies mie,
Desquels je n’ai irrité
La cité
Qui m’est sans cause ennemie.
Et pour me faire finir
Prévenir
Veut des trois soeurs l’ordonnance :
Mais c’est de trop faible main,
Nul humain
Sus mon destin n’a puissance.
Car l’assemblée des Dieux
Et hauts Cieux
Telle destinée arrête
Qu’un jour avec bonheur
Et honneur
Romans m’aura son poète.
Les uns Paris chanteront
Et diront
Que Pallas y est assise :
Et d’autres un million
Qu’à Lyon
Juno tient la marchandise.
Maint peuple se va vantant
En chantant
L’excellence de son Prince,
Et du poète le nom
Le renom
Annoblit de sa Province.
Des cheveux de Ceres blonds,
Droits et longs
La Beauce se glorifie :
Bacchus d’un nectar divin
De franc vin
Ma Bourgogne déifie.
Une belle âme, esprit sain,
Coeur non feint,
Chasteté inexpugnable,
Me fait Romans estimer
Et aimer,
Il y a de foi très admirable.
De Romans sont donc les sons
Des chansons
Que resonnera ma lyre.
O écho combien de fois
Par les bois
Ce mot te ferais-je dire !