Le diable de la rue du Fuseau
L’objet que nous présentons cette semaine est une carte postale du début du XXe siècle montrant la maison du Fuseau, dans la rue du même nom, avant que son étage supérieur ne soit effondré.
Louis Vinay, dont nous avons déjà parlé, dans son “Essai sur les monuments et les anciens édifices de la ville de Romans” publié en 1903, explique que cette maison qui date du XIIIe siècle présente, à la partie inférieure du bandeau d’appui, sur toute la longueur de la façade, un boudin terminé en pointe effilée à ses deux extrémités, ce qui lui donne l’aspect d’un fuseau.
Fuseau or not fuseau ?
Selon cet architecte et érudit local, ce fuseau ne serait qu’une vue de l’esprit puisqu’il précise : “On a prétendu que cet immeuble abritait jadis une fabrique de draps et que cette sculpture a été faite à dessein comme emblème. En examinant la façade, on remarque que les fondations suivent la courbe de la rue tandis que le premier étage, au contraire, est sur une face plane. C’est ce raccordement qui a formé accidentellement le boudin irrégulier dans lequel on s’est plu à reconnaître un fuseau.”
En très mauvais état, la partie supérieure de la maison s’est effondrée dans la première moitié du XXe siècle, la laissant dans son état actuel avec un pan de mur et une cour intérieure.
La légende du diable
Ce fuseau a donné lieu à une légende que se racontaient les anciens romanais. La voici.
Autrefois, une famille vivait dans une vieille et pauvre habitation à l’emplacement de la maison du Fuseau. Le fils, Pierre, avait vingt ans et un physique peu avantageux, et voulait épouser sa cousine Marion mais son père opposait un refus : “Mon fils, je te donnerai mon consentement quand tu auras travaillé et amassé une fortune suffisante.”
Un jour, Pierre répondit qu’il se laisserait mourir de faim et son père lui dit : “Va au diable !”
C’est ainsi qu’il quitta la maison de ses parents et, marchant du côté des Balmes, un homme d’apparence très riche lui tape sur l’épaule et lui dit : “Je vois que le principal empêchement à ton mariage est que tu n’as pas d’argent. Suis-moi et tu auras un tonneau plein d’écus.”
Pierre le suit jusqu’à un magnifique palais et l’homme le quitte pour aller faire préparer un repas.
Dans une pièce, plusieurs personnes sont assises sur de somptueux fauteuils et il reconnaît sa tante Adèle qui lui explique : “Je suis morte. Cet homme est le diable ! Nous sommes condamnés à rester assis sur ces fauteuils brûlants. Moi-même, je dois aussi filer la quenouille éternellement pour avoir fait enrager ton oncle toute sa vie. Pour te sauver, prend ce fuseau et fait le tourner devant le diable.”
Pierre retourne sur ses pas et le diable arrive, accompagné de magnifiques princesses et d’un fameux repas. Manquant de succomber à la tentation, le jeune homme fait tourner le fuseau et se retrouve immédiatement transporté dans la rue de l’Armillerie, à quelques mètres de la maison de ses parents.
Il s’y précipite, se réconcilie avec son père, se met a travailler, épouse Marion, et fait construire une belle maison sur l’emplacement de celle de ses parents. Et en souvenir du fuseau de sa tante, il en fait sculpter un sur la façade de sa maison.
Si vous possédez des documents ou des objets relatifs à l’histoire de Romans, et si vous souhaitez que nous les présentions à nos lecteurs, n’hésitez pas à nous contacter à l’adresse jyvesbaxter@gmail.com
Cet article est aussi paru dans le Dauphiné Libéré : https://www.ledauphine.com/culture-loisirs/2025/02/15/le-diable-de-la-rue-du-fuseau
- La maison du Fuseau au début du XXe siècle. Collection privée Jean-Yves Baxter.