Jean-Yves Baxter Lire →

Cassecorne, un quêteur sensationnel

L’objet que nous présentons cette semaine est un exemplaire du Progrès Illustré, supplément du Progrès de Lyon, du dimanche 13 juillet 1902, avec une belle illustration de la cavalcade de Romans et Bourg-de-Péage qui eut lieu ce mois là.

Des réjouissances populaires

Avec leurs chars, leurs costumes, leurs fleurs, leurs couleurs, les cavalcades étaient des temps de grandes réjouissances populaires.

Celle ici illustrée présentait, entre autres, le char de la chaussure, le char des fleurs, le char de l’Harmonie Romanaise, le char de la chasse et de la pêche, le char de la pogne, le char des pompiers, le char de la colonie italienne, le char des boulophiles, le char des vétérans et le char de Bourg-de-Péage.

Le cortège était précédé d’un quêteur et à cette époque, c’était Cassecorne qui tenait ce rôle et c’est lui que l’on voit au premier plan sur l’illustration avec la légende : “Un quêteur sensationnel”.

Cassecorne, une personnalité romanaise

Cet homme au franc-parler avait un cœur d’enfant mais ne s’en laissait imposer par personne. On dit qu’il était surnommé Cassecorne parce qu’il incendiait facilement les cornards, c’est-à-dire les cocus.

Il y a de nombreuses anecdotes savoureuses à son sujet.

Un jour, traîné devant les tribunaux pour avoir sonné le tocsin du haut de la tour Jacquemart au moment de l’insurrection populaire de 1870 appelée la Commune, il répondit : “Et ta sœur !” à toutes les questions du président. Soyons rassurés, il fut acquitté.

Il tenait son quartier général chez Casimir Fourel dont les diligences faisaient le service de Valence. Fort comme un Turc, il hissait les plus lourdes malles sur son dos jusqu’à l’étage supérieur.

Le jour de sa fête, la Saint-Jean, il passait dans toutes les maisons pour y recevoir un sou qu’il mettait dans son petit sac de toile noire. Mais attention, malheur à qui lui donnait une grosse pièce, il la lui jetait aussitôt à la figure ayant pour principe de n’accepter qu’un sou ou deux à la rigueur. Comme il ne savait pas compter, il déposait ensuite sa fortune chez son trésorier, le père Robert qui tenait café place Maurice Faure.

Il lui arrivait parfois de frapper à une porte en disant : “Jean a pu de mouchoir”. L’habitant lui en donnait alors un et Cassecorne revenait chez lui le lendemain en se mouchant de toutes ses forces pour bien montrer que le mouchoir qu’on lui avait donné servait à quelque chose. Ce manège fonctionnait aussi pour ses chemises !

Il était de toutes les retraites aux flambeaux, marchant en tête avec son piquet et sa lanterne. Et quand le 75ème régiment d’infanterie défilait sur la place d’Armes (aujourd’hui place Jean Jaurès), il trouvait le moyen de marcher cinquante mètres devant en faisant tournoyer son bâton comme un tambour-major.

Cassecorne serait mort peu avant la Première guerre mondiale.

Malgré nos recherches, il n’a pas été possible de connaître son identité. On dit qu’il habitait à l’angle de la rue Bistour et de la rue Saint-Nicolas, et nous savons que le Journal de Jacquemart du 31 décembre 1885 fait référence à lui sous le nom de Jean Cassecorne Cunéo mais ce nom n’apparaît pas dans les recensements de l’époque.

Si vous possédez des documents ou des objets relatifs à l’histoire de Romans, et si vous souhaitez que nous les présentions à nos lecteurs, n’hésitez pas à nous contacter à l’adresse jyvesbaxter@gmail.com

Cet article est aussi paru dans le Dauphiné Libéré : https://www.ledauphine.com/culture-loisirs/2025/03/08/cassecorne-un-queteur-sensationnel

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