29 septembre 1906, les religieuses du Saint-Sacrement quittent l’hôpital de Romans
La laïcisation de l’hôpital de Romans, commencée au 1er janvier 1905 dans les services de la cuisine et de la conciergerie, eut son accomplissement le 29 septembre 1906.
Ce jour-là, qui était un samedi, les religieuses du Saint-Sacrement qui se dévouaient avec tant de générosité aux soins des malades dans les salles civiles et militaires, ou qui étaient employées à la lingerie et à l’assistance des enfants, quittaient l’hôpital de Romans et se retiraient dans leur maison-mère installée à Valence, clos Saint-Victor, depuis qu’elle a été, il y a quatre ou cinq mois, expulsée de son vaste bâtiment de Saint-Just.
Elles ont accompli leur devoir jusqu’à la dernière minute. Le souper des malades étant servi, elles ont assisté à la bénédiction du Saint-Sacrement puis elles se sont embarquées sur deux chars à bancs dans la cour de l’hospice. Ce jour-là, des travaux le long du quai Dauphin rendait la circulation impossible. Il fallut, par conséquent, passer par le grand jardin et descendre la rue Pêcherie.
Pauvres soeurs ! Quelle tristesse elles ont dû éprouver en franchissant le seuil de cet asile ! Surtout celles qui y étaient depuis si longtemps. L’une d’elles, soeur saint Césaire, y avait passé trente-cinq ans de sa vie et, jusqu’en 1905, elle avait été chargée de l’économat à la cuisine.
Elle sont parties calmes, la prière sur les lèvres et soumises humblement aux desseins de la Providence, tout en conservant le doux espoir de reprendre, en des temps meilleurs, le poste qui leur était confié depuis soixante-quatorze ans.
Beaucoup, parmi les malades et les hospitalisés, étaient heureux de les voir remplacées par des laïques. Il leur semblait que, les religieuses parties, les soins allaient être décuplés et la cuisine améliorée. Hélas, ils ont déchanté depuis. Que souvent ne leur avons-nous pas entendu dire “Du temps des soeurs, ça marchait mieux” ou bien “Les soeurs reviendront un jour” ? Et quelques mois après leur départ, si les religieuses étaient revenues, ils seraient allé, avec un drapeau, les attendre à la gare.
Voici maintenant les noms des soeurs renvoyées de l’hôpital-hospice de Romans :
– Soeur saint Innocent, née Henriette Séraphine Fayolle à Montréal, Ardèche, le 2 septembre 1841, de Jean Louis Fayolle, cultivateur, et de Rose Marie Aymes, ménagère. Agée de 65 ans. Depuis six ans, Supérieure de l’hôpital. De septembre ou octobre 1904 jusqu’en mars 1905, elle fut au Brésil pour visiter les maisons de la Congrégation. La soeur saint Ananie la remplaça pendant ce temps. Après l’expulsion de l’hôpital, elle fut Supérieure de l’Arnaud, infirmerie des soeurs malades, tout près de l’Isère, en face de Pisançon. Elle est décédée à Rome. Le jour qu’elle devait partir de la Ville Eternelle pour rentrer en France, elle fut administrée.
– Soeur saint Césaire, née Marie Marguerite Amélie Raoux à Châteauneuf-de-Bordette, Drôme, le 1er novembre 1842, de Antoine Raoux, cultivateur, et de Marie Pouson. Agée de 64 ans. Depuis trente-cinq ans à l’hôpital. Après avoir quitté la cuisine en 1905, elle avait été employée à la buanderie.
– Soeur Marie de la Providence, née Marie Delmas à Auroux, Lozère, le 21 mai 1841, de Jean Delmas, cultivateur, et de Catherine Thérond. Agée de 45 ans. Depuis quatre ans environ, directrice de la crèche.
– Soeur sainte Héléna, née Amélie Gélibert à Montagne, Isère, le 22 novembre 1852, de Laurent Gélibert, cultivateur, et de Henriette Trouiller. Agée de 54 ans. Depuis quatre ans au service de l’assistance garderie des enfants.
– Soeur saint Romain, née Marie Challier à La Panouse, Lozère, âgée de 40 ans. Depuis seize ans à l’hôpital, d’abord chez les civils, puis chez les femmes à Saint-Joseph et enfin, à la salle des opérations. (Pas trouvé de Marie Challier à La Panouse sur cette période dans les registres d’état civil mais une Marie Cellier, née le 21 mai 1847 de Rose Cellier, sans profession.)
– Soeur saint Sabin, née Eulalie Rosa Raymond à Gravières, Ardèche, le 27 octobre 1855, de Lucien Raymond, cultivateur, et de Marie Rose Virginie Lapierre. Agée de 50 ans. Depuis vingt ans à l’hôpital, toujours chez les militaires.
– Soeur Marie Séraphine, née Marie Louise Fayolle à Montréal, Ardèche, le 16 juillet 1874, de Louis Fayolle, propriétaire, et de Marie Rosalie Jouve, ménagère. Agée de 32 ans. Nièce de madame la Supérieure. Chez les militaires depuis trois ans qu’elle est à l’hôpital.
– Soeur Marie Rose, née Bernadette Vial à Puylaurent (aujourd’hui La Bastide-Puylaurent), Lozère, âgée de 28 ans. Depuis cinq ans à l’hôpital, toujours chez les civils. Quand l’expulsion eut lieu, soeur Marie Rose était depuis environ un mois pour une retraite préparatoire à ses voeux solennels. Vers la fin de la même année, elle fut envoyée au Brésil. (Pas trouvé de Bernadette Vial sur cette période dans les registres d’état civil mais une Thérésine Marie Vialle, née le 3 décembre 1877 de Cyprien Vialle, cultivateur, et de Marie Payre.)
– Soeur saint Hugues, née Félicie Loubié dans la Haute-Loire, âgée de 32 ans. Depuis cinq ans à l’hospice, toujours chez les femmes à Saint-Joseph.
– Soeur saint Raymond, née Marguerite … (nom inconnu) dans la Lozère. Depuis un an et demi chez les femmes à Saint-Joseph.
– Soeur Marie Adrienne, née Pauline Berthe Fayolle à Montréal, Ardèche, le 8 avril 1872, de Louis Fayolle, propriétaire, et de Marie Rosalie Jouve, ménagère. Agée de 34 ans, soeur de Marie Séraphine et nièce de madame la Supérieure. Depuis trois ans chez les civils dans le service de soeur Marie Rose.
– Soeur saint Macaire, née Sophie Clément à La Baume-d’Hostun, Drôme, âgée de 65 ou 68 ans. Chez les vieillards, à la Maison Neuve, depuis six ou sept ans. Dans cette maison, au premier étage, il y a environ trois ans, on a installé les enfants de l’Assistance qui sont malades ou de passage. Les anciens occupaient le deuxième étage mais avaient leur réfectoire au premier. Depuis environ deux mois, ils avaient été transférés dans les locaux du Grand Séminaire volés à l’évêque de Valence et transformés en hospice. (Pas trouvé de Sophie Clément sur cette période dans les registres d’état civil.)
– Soeur Maria Pia, née Mathilde Augustine Paume à Pierrelatte, Drôme, le 28 mars 1850, de Pierre Thomas Paume, maçon, et de Rose Lucie Delaye. Agée de 56 ans. Depuis deux ans à Sainte-Marie avec les femmes hospitalisées. Directrice du chant et organiste. Au mois de novembre 1910, cette salle Sainte-Marie a été transformée en différentes salles pour le service de la maternité.
– Soeur saint Justin, née Victoire Jourdan à Langogne, Lozère, âgée de 40 ans. Venue en 1890 et par conséquent, depuis seize ans à l’hôpital. Directrice de la lingerie. (Pas trouvé de Victoire Jourdan sur cette période dans les registres d’état civil.)
– Soeur saint Clément, née Marie Nathalie Chastel à Grandrieu, Lozère, le 16 février 1881, de Pierre Chastel, cultivateur, et de Benoîte Sabadel. Agée de 25 ans. Depuis deux ans à l’atelier lingerie.
– Soeur Marie Héli, née Céline Vézin à Alixan, Drôme. Depuis dix-sept ans à l’hospice. Portière pendant quinze ans. Ces deux dernières années, occupée à la buanderie. (Plusieurs Céline Vézin peuvent correspondre sur cette période dans les registres d’état civil.)
– Soeur sainte Maximilla, née à La Fouillouse, Loire, âgée de 62 ans. Depuis un an à l’hôpital. Soeur converse, cuisinière des soeurs. Décédée à l’Arnaud en 1908 ou 1909.
– Soeur sainte Pauline, née à Die, Drôme. Cuisinière.
Sources : Archives municipales de Romans-sur-Isère – 121 S, Hôpital, XIXè-XXè siècle – 2 Fi 50, Romans, Hôpital, La cour – Archives départementales de l’Ardèche, Etat civil, Gravières, Montréal – Archives départementales de la Drôme, Etat civil, Alixan, Châteauneuf-de-Bordette, La Baume-d’Hostun, Pierrelatte – Archives départementales de l’Isère, Etat civil, Montagne – Archives départementales de la Lozère, Etat civil, Auroux, Grandrieu, La Bastide-Puylaurent, La Panouse, Langogne.
Merci beaucoup pour votre touchant témoignage.
Bonjour ,
J’ai été très intéressée par l’histoire de ces religieuses .Je suis allée récemment sur la tombe de mon arrière – grand tante soeur Marie – Ange inhumée à Romans . Sa propre tante , donc mon arrière – arrière grand tante soeur Saint Privas , également sacramentine , est elle , inhumée à Valence.Elles ont élevé ma mère orpheline de la guerre de 14 ….Elles étaient toutes les deux nées à Chaudeyrac en Lozère .
C’est extrêmement touchant pour moi d’avoir d’avoir des images de l’endroit où elles ont passé leur vie de dévouement .