Saint-Cyr Nugues, le romanais qui établit la liste des noms à graver sur l’Arc de Triomphe, à Paris
Cyr dit Saint-Cyr Nugues est né le 18 octobre 1774, à Romans-sur-Isère, de Claude Etienne Nugues, négociant en gros, et Charlotte Enfantin, et a été baptisé le même jour en la paroisse Saint-Barnard.
Général et chef d’état-major, il participe, entre autres, en 1808, à la campagne d’Espagne avec le maréchal Louis Gabriel Suchet.
Saint-Cyr Nugues est fait Chevalier de la Légion d’Honneur le 5 août 1804, puis Officier le 18 juillet 1809, et Grand-Officier le 2 octobre 1823. Il est fait baron par Napoléon et pair de France par la monarchie de Juillet.
Il meurt le 25 juillet 1842, à Vichy, et ses restes sont transférés au cimetière de Romans-sur-Isère, en 1968.
Après cette courte biographie, intéressons-nous à l’objet de cette notice historique.
Au lendemain de la bataille d’Austerlitz (2 décembre 1805), dans sa proclamation à ses soldats, Napoléon avait écrit : “Je vous ramènerai en France. Vous ne rentrerez dans vos foyers que sous des arcs de triomphe”. La promesse fut tenue, puisqu’un décret du 18 février 1806 imposera la décision officielle de construire l’Arc de Triomphe.
La première pierre est posée le 15 août 1806 et le monument est inauguré le 29 juillet 1836 par Adolphe Thiers, ministre de l’Intérieur, lors du sixième anniversaire de la révolution de juillet 1830 dite “Trois Glorieuses”.
Le monument fut complété par des inscriptions, dont l’idée première était de Napoléon, qui voulait y graver les noms des chefs de corps de la campagne de 1805. Mais le thème fut élargi aux noms de batailles et aux noms de généraux, dont la liste fut établie par le général Saint-Cyr Nugues à la demande d’Adolphe Thiers, le 6 janvier 1836.
Une première liste de 384 noms sera établie, soient 6 colonnes de 16 noms sur chaque pilier.
Le 6 février 1836, Saint-Cyr Nugues écrit à Adolphe Thiers :
“Monsieur le Ministre,
Après avoir accueilli ma proposition, sur quelques changements à introduire dans les noms des victoires déjà inscrits à la partie supérieure de l’Arc de Triomphe de l’Etoile, vous avez désiré que je fisse un travail pour recueillir les noms de lieux et d’hommes célèbres, qui pourraient encore figurer dans les parties inférieures du monument. Je me suis livré aux recherches que demandaient ce travail, en me refermant dans les proportions tracées par l’architecte, et je viens vous en soumettre le résultat.
[…] J’ai évité dans ces nomenclatures l’ordre alphabétique, non seulement comme froid et insignifiant, mais parce que d’ailleurs il ne se prête pas aux divisions et subdivisions qu’exigent quatre catégories différentes. J’ai préféré un ordre que j’appellerai historique, c’est-à-dire où les groupes sont formés chronologiquement, géographiquement et jusqu’à un certain point hiérarchiquement, autant que ces trois données ont pu se concilier. Mais on sent bien que là, une rigoureuse exactitude dans les détails n’était ni possible, ni indispensable.
[…] On pourra trouver que plusieurs noms dignes de mémoire manquent à cette liste : je ne pense pas qu’il puisse y avoir motif d’effacer aucun de ceux qui y sont, lors même qu’ils n’ont pas jeté un grand éclat, tous ont un titre incontestable, celui d’avoir exercé un commandement, d’avoir conduit au combat les défenseurs de la patrie, comme on les appelaient alors, dans ce temps où le dévouement était aussi difficile que nécessaire.
[…] Je désire, Monsieur le ministre, que ce travail, auquel j’ai mis tout le soin consciencieux dont je suis capable, obtienne de vous un examen attentif et, s’il remplit vos vues, il ne restera plus qu’à ordonner la mise à exécution des propositions qu’il contient.
Je suis avec respect, votre très humble et très obéissant serviteur.”
Le 29 juillet 1836, les listes établies par la commission présidée par Saint-Cyr Nugues sont finalement dévoilées. Chaque table est ornée de la croix de la Légion d’Honneur et des palmes des héros.
En 1841, 254 noms, dont celui de Saint-Cyr Nugues, sont ajoutés par le maréchal Soult.
De nombreuses réclamations émaneront des familles des “oubliés”. Dans la dédicace du recueil Les Voix intérieures (1837), Victor Hugo lui-même fait part de son regret de ne voir apparaître le nom de son père, le général Hugo :
J’admire, et fils pieux, passant que l’art anime,
Je ne regrette rien, devant ton mur sublime
Que Phidias absent et mon père oublié !
Sources : Archives municipales de Romans-sur-Isère – GG 33 – Registres paroissiaux, 1769-1777 ; Leonore, Base de données des dossiers des titulaires de l’Ordre de la Légion d’Honneur, dossier LH/2008/9 ; Service Historique de l’Armée de Terre ; Recherches historiques du Cercle Généalogique, Entraide Généalogique en Entreprise ; Notice biographique des 192 pairs de France ayant reçu des faveurs de l’empereur, Desessart, Paris, 1840 – Oeuvres de Saint-Simon et d’Enfantin, E. Dentu, Paris, 1865-1878