Ces illustres inconnus
Quelques personnalités romanaises sont restées dans les mémoires et les noms de rue. Mais bien d’autres, tout aussi respectables et célèbres en leur temps, sont tombées dans l’oubli et il est aujourd’hui temps de leur rendre hommage.
Louis-Hippolyte Charles naquit à Romans-sur-Isère, le 5 juillet 1772, de François Charles, blanchisseur de toiles, et de Madeleine Machon. Engagé en 1790 dans une compagnie de guides que l’on organisait à Besançon et qui forma plus tard le noyau des guides du général Bonaparte en Italie, il était lieutenant adjoint à l’adjudant général Leclerc en 1796, date à laquelle il fut blessé à la bataille de San-Giorgio et cité à l’ordre du jour. Leclerc ayant été promu général de brigade et fait major général de l’armée d’Italie, à la suite de son mariage avec Pauline Bonaparte, Charles devint alors son aide de camp. Cet emploi le mit à même de fréquenter assidûment, à Milan, le palais Serbelloni où la femme du général Bonaparte tenait une sorte de cour et où elle l’avait remarqué. Il plût assez à la future impératrice Joséphine pour que Bonaparte, jaloux, après avoir menacer de le faire fusiller, le fît arrêter et partir pour Paris. Après avoir fait fortune et mené grand train, il se retira à Génissieux où il mourut, le 9 mars 1837, et fut enterré le surlendemain au Calvaire de Romans.
Etienne Isidore Théophile Aymon, deuxième fils d’André et de Marguerite Michel, naquit à Romans-sur-Isère, vers 1659, et succéda à son père, vers 1700, dans la charge d’écuyer portemanteau du Roi. Mais ce n’est évidemment pas là ce qui lui a valu une certaine célébrité car celle-ci tient uniquement à ce que notre romanais fut le fondateur et le chef d’une sorte d’académie satirique et littéraire qui fit grand bruit au XVIIIè siècle, sous le nom de Régiment de la Calotte. Fondée vers 1702, cette société qui se proposait, tout à la fois, de se moquer et d’enrôler les mauvais auteurs et les sots, ou plutôt les excentriques, emprunta son nom à la calotte de plomb que l’on préconisait alors contre les maladies mentales. Elle avait pour emblèmes la lune et une marotte, avec pour devise “C’est régner que de savoir rire” et ses membres, qui se reconnaissaient fous les premiers, tenaient leurs séances à table. Aymon est mort à Versailles, le 6 mai 1731.
François Le Blanc, célèbre numismate, né à Romans-sur-Isère vers le milieu du XVIIè siècle et décédé à Versailles, au mois de juin 1698, était probablement le fils d’un Jacques Le Blanc, que l’on trouve cotisé aux tailles en 1654. Etant allé à Paris, en 1684, pour compléter un travail qu’il se proposait de publier, le directeur du cabinet des médailles du roi le fît nommer aussitôt garde de ce cabinet. Puis, ayant accompagné le comte de Crussol en Italie, il y recueillit quantité de pièces fort rares, entre autres un denier d’argent de Louis le Débonnaire, frappé à Rome. Louis XIV le chargea aussitôt “de travailler à l’Histoire générale des Monnoyes de France depuis le commencement de la monarchie.” On apprend plus tard que “Monsieur Le Blanc était choisi pour travailler à l’Histoire auprès des Princes, lorsqu’il mourut subitement alors qu’il était un homme plein de feu et de vivacité, cependant jeune et mélancolique.”
Jean-Baptiste Henri Dubouchet, médecin, né à Romans-sur-Isère le 7 octobre 1802 (15 Vendémiaire an XI) et décédé à Paris sous le second Empire, peut donner une idée du rôle que la réclame joue dans l’existence de certains hommes. Appartenant à une famille qui comptait déjà plusieurs médecins, il fut médecin à son tour mais dans des conditions bien particulières. Ayant été pendant quelques mois secrétaire d’un médecin des maladies des voies urinaires, le docteur Ducamp, il se donna, aussitôt après la mort de celui-ci en 1823, comme son successeur. Bien mieux, il publia, dès cette année-là, un ouvrage de médecine qui fut suivi de quelques autres. Aussi la Biographie des hommes du jour (1838) ne manqua t-elle pas d’appeler l’attention du public sur cet éminent praticien dont les ouvrages “sont écrits clairement, sans mots techniques qui ôtent tout intérêt à la lecture des ouvrages scientifiques.” En 1845, les Archives des Hommes du jour racontent que le docteur Dubouchet, “médecin des Ordres royaux des Pays-Bas, membre de la Société des sciences médicales, correspondant de l’Institut médical d’Athènes”, etc., etc., fut docteur en médecine et en chirurgie à la faculté de Giessen, en Allemagne. Puis, il n’est plus question de notre romanais.
Mise à jour du 13 décembre 2017 : Jean-Baptiste Henri Dubouchet épouse Adèle Sophie Dupont de Bussac à Paris, en 1834. Il meurt le 8 mars 1881, à Valence, où il était domicilié, alors qu’il se trouvait chez l’un de ses neveux.
Nous poursuivrons l’étude de ces illustres inconnus romanais et nous reviendrons plus longuement sur la vie de certains d’entre eux…
Sources : Archives municipales de Romans-sur-Isère ; Dictionnaire biographique de la Drôme, Justin Brun-Durand, 1836