Saint Pichon, protecteur des maris débonnaires et vengeur de l’autorité maritale outragée
L’Abbaye de Maugouvert ou “Abbaye Joyeuse”, établie dans Romans-sur-Isère vers le XVè siècle, était une confrérie à la fois religieuse et galante, bienfaisante et joyeuse. Elle dotait des jeunes filles, venait au secours des couvents, payait le prédicateurs de carême et, avec ses violons et ses tambours, donnait des aubades aux autorités et aux nouveaux mariés. Composée des plus notables de la ville, cette société dépendait des consuls qui nommaient l’abbé et recevaient ses comptes.
Elle avait pour patron saint Pichon (de pichar, battre), inquisiteur des mariages mal assortis, protecteur des maris débonnaires et vengeur de l’autorité maritale outragée, représenté au carrefour du Tortorel, sur une muraille et dans l’angle que formaient deux maisons voisines, par une statue portant une mitre sur la tête, un bâton d’une main, une quenouille de l’autre.
Il était dit, dans les statuts de cette confrérie, que tout mari qui se laissait battre par sa femme, sans faire usage du bâton pour expier ce crime de lèse-majesté maritale, était digne de la quenouille.
Pour l’expier, il était ordonné au plus proche voisin de monter sur un âne, le visage tourné du côté de la queue, la tenant pour bride, le chapeau abattu, les cheveux épars, une quenouille à la main.
Dans cette position ridicule, les confrères lui faisaient parcourir les rues et l’accompagnaient en chantant quelques vaudevilles composés pour la circonstance.
Le cortège se rendait ensuite à la chapelle où le patient faisait amende honorable pour le coupable. Il prononçait un discours très touchant pour excuser la faiblesse de son voisin et déposait la quenouille aux pieds du saint pour l’envoyer à celui qui renouvellerait ce dangereux exemple.
La cérémonie terminée, les confrères accompagnaient l’expiateur jusqu’à sa maison où tout finissait par des chansons.
Des moeurs plus polies et une police plus soucieuse du repos des familles ont fait cesser ces joyeusetés.
En 1882, l’historien Ulysse Chevalier écrivait qu’il n’en restait pour souvenir qu’une petite niche en pierre, placée à l’endroit où s’élevait jadis la statue de saint Pichon, au carrefour du Tortorel.
Ce dernier vestige a aujourd’hui disparu.
Sources : Archives municipales de Romans-sur-Isère – GG 41, GG 59 – Mémoires sur la ville de Romans, Dochier, 1812 – Les abbayes laïques et les présents de la ville de Romans sous les consuls, Ulysse Chevalier, 1882 – Les Guérin de Tencin, Charles de Coynart, 1910 – Illustration : collection particulière de Jacqueline et Jean-Pierre Gélibert, avec leur aimable autorisation.