L’ancien Hôtel de Ville, rue de l’Armillerie
Sans cesse attaqué par le Chapitre, plusieurs fois supprimé par l’influence de ce corps puissant, le consulat de Romans-sur-Isère n’eut, jusqu’à la fin du XIVe siècle, qu’une existence précaire et des lieux de réunion provisoires. A cette époque, il s’assemblait modestement dans une chambre, meublée de quelques bancs et d’une table couverte d’un tapis, qu’il louait trois florins et demi d’or par an.
En 1366, c’était dans la maison de Reynier Forest dit Coppe, en 1370, dans celle de Guionet de Brêne.
Humiliés de cet état de choses, deux bons citoyens, Perrot de Verdun, marchand, et Jean d’Auterive, bourgeois, l’un et l’autre anciens consuls, léguèrent presqu’en même temps à la communauté de Romans-sur-Isère leurs maisons pour y établir d’une manière digne et stable le siège de l’administration municipale.
Devant notaire et le 27 juillet 1374, Perrot de Verdun légua aux consuls, outre toutes ses rentes, les maisons qu’il possédait dans la rue Vallouse, défendant expressément de les aliéner, sans indiquer pourtant l’emploi qu’on devait en faire : les contestations qui existaient alors entre le Chapitre et la ville, au sujet du consulat, expliquent peut-être cette réserve ; mais le testateur avait sans doute confié ses intentions à ses amis qui figurent dans l’acte en qualité de témoins (1).
Quoiqu’il en soit, les maisons laissées par Perrot de Verdun étaient au nombre de trois. Il les avait acquises, savoir : la première, le 30 novembre 1361, pour 60 florins d’or, de noble Falcon de Quincieu, chevalier de Saint-Latier ; la deuxième, le 1er septembre 1368, de Guillaume Coste et de Claire sa soeur, veuve de Martin Vital, pour le prix de 40 florins, et la troisième, appelée la tour des Bovoysons, le 16 octobre 1370, de Pierre Odoard et de Romanet son fils, moyennant la somme de 107 florins, plus le cens annuel de 4 deniers au profit de Saint-Barnard.
Le premier acte passé dans la Maison commune de Romans-sur-Isère est en date du 14 septembre 1382, et a trait précisément à l’aumône de Perrot de Verdun. Avant cette époque, les travaux d’appropriation n’etaient pas terminés : ainsi, le 14 juin précédent, le receveur de la ville paya 9 florins et 4 gros pour divers travaux qui venaient d’être faits à une fenêtre et à une porte donnant sur la rue de l’Armillerie.
L’Hôtel de Ville a souvent nécessité des réparations. En 1499, l’Abbaye des Sauniers appliqua à cette destination tous les deniers qu’elle avait dans sa caisse. En 1562, l’Abbaye de Bongouvert agit de même. Enfin des travaux considérables furent exécutés en 1567 et 1756. Sur les fêtes de Noël 1564, la maison consulaire serait tombée et ruinée par sa vieillesse ce qui occasionna la perte de beaucoup de papiers.
La grande salle était anciennement garnie de tribunes, qui permettaient au public d’assister aux élections. Elle était décorée d’une tapisserie de haute lisse, vendue 400 livres en 1763, et ornée du portrait en pied de Perrot de Verdun transféré dans une des salles de l’hôpital en 1797 (ce portrait se trouve aujourd’hui dans le hall des Archives municipales).
Enfin, au-dessus d’un portique assez élégant, on voyait les armes de la ville et celle du Dauphiné. On y lisait cette antique et fière devise : Moribus antiquis stat res Romana virisque (2). Ce qui, suivant l’intention des consuls, voulait dire: Par ses bonnes coutumes et par ses bons citoyens, Romans se gouverne.
L’Administration municipale ayant transporté son siège dans l’ancien couvent des Cordeliers, acquis le 30 décembre 1790, au prix de 20 000 livres, la Maison commune fut mise en vente aux enchères et adjugée, le 20 février 1791, au sieur Costallin, ferblantier (3), pour le compte du sieur Galland, moyennant la somme de 9 025 livres.
Elle servit pendant plusieurs années de salle de spectacle. Elle devint ensuite une habitation particulière puis fut occupée par une brigade de gendarmerie à pied. Elle a finalement été en partie démolie en 1895 pour l’agrandissement de la place Perrot de Verdun.
(1) Ces témoins étaient : Guionnet de Brêne, Guillaume Rosset, Jean de Nanceye, Etienne Ollier, Jean Sibillard, Hugonin Bourguignon et Perrin Violier, marchands et bourgeois de Romans-sur-Isère.
(2) Cette phrase du poète romain Ennius (239-169 av. J.C.) signifiant “Les moeurs et les héros font la grandeur de Rome” a été détournée par les romanais en jouant sur le sens de Romana.
(3) Fabricant d’outils et ustensiles, souvent ménagers, en fer recouvert d’une fine couche d’étain, le fer blanc.
Sources : Archives municipales de Romans-sur-Isère ; Ulysse Chevalier, Fragments historiques, 1900