Une maternité sur le pont Vieux

Les objets que nous présentons cette semaine sont deux gravures du début du XIXe siècle représentant le pont Vieux et l’hôpital des Jacinières.

Anciennement, il n’était pas rare de trouver des bâtiments sur les ponts. Il en reste encore quelques exemples remarquables en Europe comme le Ponte Vecchio de Florence, en Italie. Le pont de Rohan à Landerneau et le pont des Marchands à Narbonne font partie des rares ponts encore bâtis en France.

Un hôpital pour les femmes en couches

Sur le pont Vieux de Romans, il s’agissait d’un bâtiment très particulier appelé “hôpital des Jacinières” pour accueillir les femmes en couches (“jacineiri”, en patois du Dauphiné), autrement dit, une maternité !

Sa construction remonterait au milieu du XIIIe siècle lors de la construction d’un pont en pierre en remplacement du pont de bois emporté par la grande inondation de l’an 1219. L’on sait de façon certaine que l’hôpital existait en l’an 1274. Il appartenait au chapitre de chanoines de l’église Saint-Barnard qui en géraient les revenus.

L’hôpital incendié

Un événement tragique est survenu pendant l’hiver de 1280 à 1281. Amédée de Roussillon, évêque de Valence (la ville de Romans était sous l’autorité de l’évêque de Vienne), fit sauter une partie du pont et de l’hôpital dans lequel se trouvaient vingt-trois femmes en couches. Plus de peur que de mal pour ces dernières mais il fut ordonné qu’elles soient expulsées avant de mettre le feu au bâtiment. L’hôpital fut reconstruit dès l’année suivante.

C’est probablement vers le milieu du XVIIe siècle que les femmes cessèrent d’être admises dans cet établissement.

Dans un acte de l’an 1650, Antoine-Bertrand Sozin, chanoine de Saint-Barnard, prend encore le titre de “recteur de l’hôpital sur le pont” mais en 1675, Hélène Tardy, riche veuve romanaise, lègue une grosse somme d’argent à l’hôpital Sainte-Foy (à l’emplacement de l’actuelle école Notre-Dame des Champs) pour mettre à disposition un appartement pour les femmes en couches, ce qui laisse supposer que l’hôpital des Jacinières ne fonctionnait alors plus.

Il faut bien avouer qu’il était bien mal placé avec d’un côté une voie publique très fréquentée et de l’autre, le grondement de l’Isère qui n’était pas encore domptée par des barrages comme nous la connaissons aujourd’hui.

Durant la Révolution française, il fut vendu aux enchères à François Gérin, négociant à Romans. Dans les archives notariales de la ville, à la date du 11 avril 1791, nous trouvons une description très complète et précise de ce bâtiment. On y constate que le bâtiment a été entièrement construit en pierre de molasse y compris les murs intérieurs, que les portes et fenêtres sont “en médiocre état” et que beaucoup de carreaux de fenêtres sont “rompus”.

L’hôpital fut démoli en 1856.

Si vous possédez des documents ou des objets relatifs à l’histoire de Romans, et si vous souhaitez que nous les présentions à nos lecteurs, n’hésitez pas à nous contacter à l’adresse jyvesbaxter@gmail.com

Cet article est aussi paru dans le Dauphiné Libéré : https://www.ledauphine.com/culture-loisirs/2025/02/22/quand-une-maternite-etait-localisee-sur-le-pont-vieux

: Le pont Vieux et l’hôpital des Jacinières en 1835. À l’emplacement des maisons de gauche se trouve aujourd’hui le quai Dauphin. Collection privée Jean-Yves Baxter.